20 février 2012

The Inside Passage

Oui, on peut dire que j'ai eu de la chance. Les conditions météo qui ont retardé d'une journée le départ de mon ferry a accru considérablement le risque d'avalanches sur la route Anchorage-Whittier que j'ai à nouveau emprunté avec Vitor jeudi. Et quand on sait que ce ferry était le dernier avant le mois d'avril, je n'ai pas besoin de vous dire que je me suis contenté d'avoir pu finalement embarquer avec 24 heures de retard !

Jeudi 16 au soir. Whittier. Le temps s'est arrangé. Effectivement, c'est de la neige fondue qui tombe, il ne fait que -2°C et le vent ne souffle plus qu'à 100 km/h ! Rapides adieux à Vitor. Je me réfugie chez les gardes-côtes le temps que le terminal des ferrys ouvre. Rapide photo du port de plaisance. Une pensée pour mes amis et cousins marins, et mon frérot bien sûr !


Ce ferry est un condensé de l'Alaska : immense mais vide ! Nous sommes 40 passagers (pour le dernier tronçon, on ne sera plus que 8) pour 60 membres d'équipage. L'un d'eux avec qui je discute me recommande un petit coin tranquille pour dormir. Je n'ai pas pris de cabine. J'ai bien fait, ça ne valait pas le coup. On dort très bien sur les banquettes et il y a des douches dans les parties communes.


Petit point sur l'itinéraire avec cette carte que je vous ai concoctée. On part donc de Whittier, direction Yakutat où nous faisons escale le lendemain soir, puis Juneau le surlendemain (samedi) après-midi. Ketchikan sera en vue le dimanche en fin de journée. Et je toucherai définitivement terre lundi matin à Prince Rupert. En tout, nous aurons parcouru 1.700 kilomètres à la vitesse moyenne de 15 nœuds (soit une petite trentaine de kilomètres/heure).

La première partie du trajet, nous naviguons dans le Golfe d'Alaska. C'est le Pacifique, en fait. Mais bon, Pacifique, Pacifique, faut vite le dire ! Ça bouge pas mal quand même. Mais le temps s'est levé. À part l'océan à perte de vue, le seul repère terrestre en vue sera le cap Saint Elias (Cape St. Elias, avec l'orthographe anglaise, sur la carte) photographié ci-dessous. Ni icebergs ni baleines en vue. Il est encore trop tôt dans la saison. Dommage !


Au réveil le deuxième jour, nous apercevons au loin l'entrée (ou la sortie d'ailleurs) de l'Inside Passage. En français, ça donne « Passage intérieur ». Très spirituel tout ça. Il faut dire que quand on voit se rapprocher ces côtes massives et sombres, il n'y a guère d'autres options que de redécouvrir un semblant de spiritualité et prier pour que tout se passe bien ! Mais en fait, c'est juste magnifique.

Plus on se rapproche des côtes, plus ces paysages inquiétants se dévoilent derrière le brouillard et les nuages. Un peu comme au théâtre où les décors apparaissent les uns après les autres. Une fois dans l'Inside Passage, le vent tombe, la mer se calme. Mais le temps est toujours assez changeant. On ne sait pas très bien par quel miracle le soleil arrive à percer parfois ce ciel si chargé et si bas. Ce jeu de cache-cache offre au photographe une palette incroyable de couleurs, de lumière, de contre-jour. Un régal pour les yeux et pour la lentille de mon Canon.


Le troisième jour, le temps se fait plus doux. J'ai revu la pluie. Une première depuis mon départ ! C'est signe que le thermomètre est repassé au dessus de 0°C. La pluie. Il n'arrête pas de pleuvoir dans ce coin du Sud-Est de l'Alaska. Ils ont des forêts magnifiques ; et pour cause ! Mais c'est déprimant. Et même si le thermomètre est remonté, cette humidité vous glace sur place. Autant les courtes journées, le froid polaire, la neige, le vent et la glace, je peux. Mais contre l'humidité, c'est très difficile de lutter. Je repars volontiers dans le nord.

Nous continuons à slalomer entre les îles. Certaines sont presque aussi grandes que le Liban, mais encore une fois, tellement peu peuplées. Ici beaucoup de villages sont des communautés autochtones, des communautés qui pré-existaient à l'arrivée des Russes puis des Américains. Ce sont les Tlingits. Adossés aux montagnes, tournés vers l'océan, ils vivent essentiellement du bois et de la pêche depuis des millénaires, dans le Passage intérieur ou dans le Golfe d'Alaska. Ils ont toujours su rester à distance de la "puissance" dominante du moment. Ils sont aujourd'hui rattachés à l'Alaska. C'est pour ça qu'on comprend ce petit décrochage dans la frontière entre l'Alaska et le Canada.

A chacune des trois escales, certains montent, d'autres descendent. J'ai ainsi rencontré une petite famille qui déménageait du Nord vers le Sud (de l'Alaska). Un jeune qui rentrait dans son village de l'autre côté de la grande île du sud. Deux Australiens en voyage. Deux jeunes qui vont à Seattle pour ensuite revenir en voiture en Alaska, une espèce de course, enfin j'ai pas tout compris. Et Jim, la soixantaine, qui descend à Prince Rupert comme moi et poursuit ensuite en voiture jusqu'à Seattle où il doit retrouver des bateaux qu'il doit convoyer.

À l'escale de Ketchikan, Maggie, membre de l'équipage, nous emmène (Jim, les Australiens, les deux jeunes et leur course de voiture, et moi). Elle a déménagé récemment dans le coin. Pendant plus de trois heures, au pas de charge, elle va nous faire visiter la ville aux trois cent mille totems. Oui, ces totems en bois comme dans notre imaginaire collectif (cf. photos). En trois heures, on n'a eu le temps d'en voir qu'une cinquantaine, mais ça laisse imaginer leur nombre en tout. Ketchikan, c'est très pittoresque (et toujours cette pluie !). Ca ressemble à cette ville qu'on aperçoit dans le film Croc-Blanc, à l'époque de la ruée vers l'or. Ces maisons en bois, ces devantures si particulières du grand ouest américain. Il faisait nuit mais il y a une photo quand même.

Arrivé ce matin à Prince Rupert. Il pleut toujours. Je reste une journée et je continue vers l'est. Ainsi s'achève mon périple de quatre semaines en Alaska qui m'aura enchanté. Cela augure bien de la suite. Je ferai peut-être un petit résumé de tous les épisodes de la série pour ceux qui en auraient loupé un ou deux.


Quelques précisions sur les dernières photos d'Alaska, que vous trouverez ci-dessous. Vous aurez du mal à le croire peut-être mais elles sont garanties sans filtre. Couleurs et luminosité sont fidèles à la réalité. La première photo est donc une vue du port de plaisance de Whittier. La seconde, le cap St Elias. Les aigles chauves ont été pris en photo lors de l'escale à Juneau. On a croisé un ferry similaire pour vous donner une idée du bateau. Le reste est sans commentaire.

Si, juste un dernier. La photographie est une passion pour beaucoup ; c'est mon cas. Certains ont même la chance de pouvoir en vivre. Comme toute œuvre culturelle, on peut acheter une photo pour l'encadrer, pour l'offrir, pour la partager et la faire vivre. Pour ceux qui souhaiteraient en faire de même avec mes photos, ce serait aussi une façon de contribuer à la réalisation de ce projet. Pour plus d'info, vous pouvez m'écrire ; mes contacts sont dans la page « Qui suis-je ? ».

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