Aujourd'hui encore, je
vous propose une nouvelle rubrique, que j'essayerai de nourrir tout
au long du parcours. Elle s'appelle « la vie au quotidien ».
Grâce à elle, je tenterai humblement de décrire ce que je vois et
comprends de la vie de tous les jours dans les endroits que je
traverse, en m'appuyant sur quelques grands thèmes. Attention !
c'est un peu long...
Habitat
Ce qui m'a frappé en
arrivant à Fairbanks, c'est la dispersion de l'habitat. Fairbanks
comprend un centre-ville, bien sûr, avec ses maisons individuelles
dans des quartiers résidentiels. Mais il y a très peu d'immeubles.
Donc déjà, « downtown » (le centre-ville) est
assez étendu. Mais il ne rassemblerait qu'un tiers de la population.
Le reste de la population habite sur les collines avoisinantes, dans
la forêt, le long des routes qui partent en étoile depuis le
centre. C'est ainsi que très facilement certains habitent au milieu
des bois, au bout d'un chemin, isolés, à 10 km du centre-ville où
ils travaillent.
En tant que telles, les
maisons sont essentiellement individuelles. Elles ressemblent à des
chalets ; ici, on les appelle « cabin ». Pour
celles situées à l'extérieur de la ville, elles sont raccordées
au réseau d'électricité, mais pas à celui de l'eau. Le réseau
d'eau est impossible à enterrer à cause du permafrost (sous-sol
gelé en permanence durant l'année – bientôt un article
là-dessus) et extrêmement couteux à maintenir au-dessus de 0°C
s'il était placé au niveau du sol.
Du coup, certaines ont des
cuves d'eau en intérieur (pour éviter le gel), réapprovisionnées
grâce à un énorme bidon transporté à l'arrière de son pick-up
qu'on remplit à une station à eau, qui fonctionne sur le même
principe qu'une station-essence. L'eau sert à la cuisine et à la
douche (qu'on prendra très rapidement), voire aux toilettes. Mais
sinon, on trouve des toilettes sèches : on fait ses besoins,
qu'on recouvre d'une espèce de terreau mélangé à des copeaux de
bois. Et, j'ai testé pour vous, c'est garanti sans odeur ! On
économise ainsi pas mal d'eau, tout en faisant de l'engrais. Génial,
non ?!
D'autres cabins n'ont
pas de cuve, ce sont les « dry cabins » (dry
= sèche) . Dans ce cas, ils ont quelques bidons d'eau pour la
vaisselle et pour boire, et des toilettes sèches. « Et pour
la douche ? » Ils la prennent au bureau (c'est très
fréquent que les lieux de travail comprennent des douches) ou au
sport. Et beaucoup vont faire leur machine au lavomatic. Alors que
dans des endroits plus cléments on oublie presque ce que c'est
qu'avoir l'eau courante, on se rend compte qu'on peut très bien
vivre sans. Il suffit de s'adapter et en plus ça fait sans doute
diminuer la consommation d'eau.
Alimentation
C'est assez surprenant de
voir à quel point les Alaskains accordent de l'importance au
consommer-local. Certes, les produits importés sont un peu plus
chers, mais c'est la production locale qui l'emporte. Soit, avec ces
températures, c'est un peu plus compliqué. Mais pas tant que ça,
si on y réfléchit et qu'encore une fois, on s'adapte à
l'environnement plus que le contraire. Ici pendant l'été, on
congèle beaucoup, on met en pot ou en conserve tout ce qui est
légumes et compagnie, et on ressort les provisions petit-à-petit
pendant l'hiver. Ensuite, il y a pas mal de fermes bio alentours et
certaines ont des serres chauffées grâce à la géothermie. La
géothermie permet d'utiliser la chaleur contenue dans le sol, en
particulier non loin de sources d'eaux chaudes par exemple. Ainsi
cela permet d’approvisionner en produits frais pendant toute
l'année, même si ça reste en quantité limitée.
Les Alaskains pêchent et
chassent énormément. Ca fait partie de la culture. Les rivières
regorgent de saumons, les forêts sont pleines de caribous et
d'élans. Là encore, c'est en été que ça se passe et ensuite on
ressort au compte-goutte un morceau de saumon, une pièce de viande
pendant l'hiver. De mon côté, j'ai goûté pour vous le cœur
d'élan et la viande de caribou. C'est bon, c'est comme de la viande
rouge. Le saumon, lui, est beaucoup plus rouge que celui d'Ecosse ou
de Norvège et a un goût plus prononcé. « Tu as vu des
animaux sauvages ? » Oui, vivant, pour l'instant, j'ai
vu une maman élan et son petit. Il y a deux jours, ils ont tourné
toute la journée autour de la maison d'Andrew et d'Anna, mes super
hôtes de la semaine.
Déplacement
Tout tourne autour de la
voiture. C'est le seul point noir au fameux principe d'adaptation que
je souligne depuis le début. En effet, puisqu'on a une voiture, on
peut tout se permettre : on peut se déplacer, on peut habiter
loin du centre-ville, on a chacun la sienne, on développe peu les
transports en commun, on fait peu de covoiturage, on prend rarement
son vélo, etc. C'est sans doute aussi dans la culture. L'automobile
aux Etats-Unis a permis un tel essor industriel que la voiture reste
au cœur de la vie des américains. Concernant leur utilisation dans
les conditions climatiques actuelles, je renvoie à l'article
« Alaskan Lifestyle » tous ceux que les
descriptions techniques passionnent.
Les voitures se divisent
en deux catégories. On trouve beaucoup de pick-up, ou
« truck » (de pick-up truck). Pour faire
simple pour les non-initiés, ce sont des véhicules avec un plateau
ouvert à la place du coffre. Non sans une certaine forme
d'auto-dérision, beaucoup pensent ici que leur taille n'est pas
forcément adaptée à l'utilisation qu'en font leur propriétaire,
mais plus à l'image qu'il veut donner, ou qu'il a, de lui. Mais on
trouve aussi des "petites" voitures. Ce sont nos bonnes
vieilles voitures de ville, qui semblent bien petites par rapport à
certains trucks. Elles sont
très adaptées pour une conduite dans ces climats. C'est juste
qu'elles ne permettent pas de transporter du gros matériel, type
cuve à eau. Donc en général, on a un truck et une petite voiture.
Je dois avouer que les conducteurs sont très prudents. Sans doute à cause du gel et de la neige. Chacun roule à une allure très raisonnable, respecte les priorités et s'arrête plus souvent qu'à son tour pour éviter d'avoir à freiner en catastrophe, ce qui entrainerait automatiquement un dérapage incontrôlé.
Je dois avouer que les conducteurs sont très prudents. Sans doute à cause du gel et de la neige. Chacun roule à une allure très raisonnable, respecte les priorités et s'arrête plus souvent qu'à son tour pour éviter d'avoir à freiner en catastrophe, ce qui entrainerait automatiquement un dérapage incontrôlé.
Il
y a très peu de transport en commun. Il existe cinq lignes de bus
dans Fairbanks mais elles ne permettent pas de rejoindre les
faubourgs de la ville. En hiver, il n'y a apparramment qu'une seule
ligne de bus qui relie Fairbanks à Anchorage. Il y a également une
ligne de train sur le même tracé. Sinon, il y a l'avion. Il est
très utile pour rejoindre les régions reculées et pour transporter
matériel et approvisionnement. Quand j'ai fait Anchorage-Fairbanks à
l'arrivée, j'étais dans un avion dont les soutes étaient doublées
d'une partie transport de matériel située entre le cockpit du
pilote et les ailes. Aussi, la partie passagers était réduite à la
queue de l'appareil.
Vie sociale
Le plus important pour la
fin. D'abord, il faut savoir que de tous ceux que j'ai pu rencontrer
jusqu'à présent, seulement une poignée est originaire d'Alaska.
Bien sûr, je n'en ai vu qu'un échantillon, mais beaucoup viennent
des « Lower 48 ». C'est ainsi qu'on appelle ces 48
Etats contigus qui constituent les Etats-Unis "continentaux"
(un peu ce qu'on appellerait la France métropolitaine). Pour rappel,
en plus des Lower 48, il y a l'Alaska et Hawaï : ca fait
donc bien 50 Etats. Il faut y ajouter le District of Columbia
(Washington DC) qui est un district fédéral et non un Etat, et
quelques possessions outre-mer : Porto Rico, Guam, les Îles
Vierges, les Îles Mariannes du Nord, etc.
Ici à Fairbanks, tout le
monde se connaît. On se côtoie au boulot, au sport, au lavomatic,
etc. Les amis proches le sont d'autant plus l'hiver. On se retrouve
pour boire un verre, on passe le week-end à skier, on va faire du
sport en salle, de l'escalade (que j'ai pratiquée il y a deux jours),
on va au ciné, etc. Ainsi on occupe les longues soirées d'hiver. En
revanche, avec les beaux jours, on se voit moins. C'est le moment de
recevoir la famille ou les amis, d'aller pêcher et chasser, de faire
les réparations nécessaires dans la maison ou sur la voiture en
prévision du prochain hiver qui revient toujours bien vite. Et tout
le monde le dit, même si les journées sont plus longues en été,
elles paraissent toujours trop courtes. Et donc on voit moins les
copains.
Voilà pour aujourd'hui.
C'est déjà bien long ! J'espère que ça vous a plu et vous a
permis d'avoir un petit aperçu de la vie quotidienne ici. A vous les
commentaires si vous souhaitez réorienter vers d'autres thématiques.
Et pour les photos, j'essaie de mettre en ligne prochainement un
package spécial Fairbanks.
Les photos...les photos...les photos !!
RépondreSupprimerC'est gué-nial comme toujours !!
KLB
une question (non pas sur le mascara !) : comment ils font pour conserver le compost issu des toilettes sèches tout l'hiver ?
RépondreSupprimerSinon, c'est marrant comme c'est l'inverse de chez nous, ils voient les copains l'hiver pour s'occuper, et l'été ils font leur vie; Alors que nous, ce sera plutôt tranquille chez soi au chaud l'hiver, et apéro avec les copains tout l'été ;-)
Ils vident la cuve des toilettes sèches dans un bac à compost à l'extérieur tous les mois environ. Du coup dehors ça gèle un peu mais l'été, ils peuvent s'en servir pour le potager ou le jardin.
RépondreSupprimer