3 février 2012

La vie au quotidien à Fairbanks

Aujourd'hui encore, je vous propose une nouvelle rubrique, que j'essayerai de nourrir tout au long du parcours. Elle s'appelle « la vie au quotidien ». Grâce à elle, je tenterai humblement de décrire ce que je vois et comprends de la vie de tous les jours dans les endroits que je traverse, en m'appuyant sur quelques grands thèmes. Attention ! c'est un peu long...

Habitat

Ce qui m'a frappé en arrivant à Fairbanks, c'est la dispersion de l'habitat. Fairbanks comprend un centre-ville, bien sûr, avec ses maisons individuelles dans des quartiers résidentiels. Mais il y a très peu d'immeubles. Donc déjà, « downtown » (le centre-ville) est assez étendu. Mais il ne rassemblerait qu'un tiers de la population. Le reste de la population habite sur les collines avoisinantes, dans la forêt, le long des routes qui partent en étoile depuis le centre. C'est ainsi que très facilement certains habitent au milieu des bois, au bout d'un chemin, isolés, à 10 km du centre-ville où ils travaillent.

En tant que telles, les maisons sont essentiellement individuelles. Elles ressemblent à des chalets ; ici, on les appelle « cabin ». Pour celles situées à l'extérieur de la ville, elles sont raccordées au réseau d'électricité, mais pas à celui de l'eau. Le réseau d'eau est impossible à enterrer à cause du permafrost (sous-sol gelé en permanence durant l'année – bientôt un article là-dessus) et extrêmement couteux à maintenir au-dessus de 0°C s'il était placé au niveau du sol.

Du coup, certaines ont des cuves d'eau en intérieur (pour éviter le gel), réapprovisionnées grâce à un énorme bidon transporté à l'arrière de son pick-up qu'on remplit à une station à eau, qui fonctionne sur le même principe qu'une station-essence. L'eau sert à la cuisine et à la douche (qu'on prendra très rapidement), voire aux toilettes. Mais sinon, on trouve des toilettes sèches : on fait ses besoins, qu'on recouvre d'une espèce de terreau mélangé à des copeaux de bois. Et, j'ai testé pour vous, c'est garanti sans odeur ! On économise ainsi pas mal d'eau, tout en faisant de l'engrais. Génial, non ?!

D'autres cabins n'ont pas de cuve, ce sont les « dry cabins » (dry = sèche) . Dans ce cas, ils ont quelques bidons d'eau pour la vaisselle et pour boire, et des toilettes sèches. « Et pour la douche ? » Ils la prennent au bureau (c'est très fréquent que les lieux de travail comprennent des douches) ou au sport. Et beaucoup vont faire leur machine au lavomatic. Alors que dans des endroits plus cléments on oublie presque ce que c'est qu'avoir l'eau courante, on se rend compte qu'on peut très bien vivre sans. Il suffit de s'adapter et en plus ça fait sans doute diminuer la consommation d'eau.

Alimentation

C'est assez surprenant de voir à quel point les Alaskains accordent de l'importance au consommer-local. Certes, les produits importés sont un peu plus chers, mais c'est la production locale qui l'emporte. Soit, avec ces températures, c'est un peu plus compliqué. Mais pas tant que ça, si on y réfléchit et qu'encore une fois, on s'adapte à l'environnement plus que le contraire. Ici pendant l'été, on congèle beaucoup, on met en pot ou en conserve tout ce qui est légumes et compagnie, et on ressort les provisions petit-à-petit pendant l'hiver. Ensuite, il y a pas mal de fermes bio alentours et certaines ont des serres chauffées grâce à la géothermie. La géothermie permet d'utiliser la chaleur contenue dans le sol, en particulier non loin de sources d'eaux chaudes par exemple. Ainsi cela permet d’approvisionner en produits frais pendant toute l'année, même si ça reste en quantité limitée.

Les Alaskains pêchent et chassent énormément. Ca fait partie de la culture. Les rivières regorgent de saumons, les forêts sont pleines de caribous et d'élans. Là encore, c'est en été que ça se passe et ensuite on ressort au compte-goutte un morceau de saumon, une pièce de viande pendant l'hiver. De mon côté, j'ai goûté pour vous le cœur d'élan et la viande de caribou. C'est bon, c'est comme de la viande rouge. Le saumon, lui, est beaucoup plus rouge que celui d'Ecosse ou de Norvège et a un goût plus prononcé. « Tu as vu des animaux sauvages ? » Oui, vivant, pour l'instant, j'ai vu une maman élan et son petit. Il y a deux jours, ils ont tourné toute la journée autour de la maison d'Andrew et d'Anna, mes super hôtes de la semaine.

Déplacement

Tout tourne autour de la voiture. C'est le seul point noir au fameux principe d'adaptation que je souligne depuis le début. En effet, puisqu'on a une voiture, on peut tout se permettre : on peut se déplacer, on peut habiter loin du centre-ville, on a chacun la sienne, on développe peu les transports en commun, on fait peu de covoiturage, on prend rarement son vélo, etc. C'est sans doute aussi dans la culture. L'automobile aux Etats-Unis a permis un tel essor industriel que la voiture reste au cœur de la vie des américains. Concernant leur utilisation dans les conditions climatiques actuelles, je renvoie à l'article « Alaskan Lifestyle » tous ceux que les descriptions techniques passionnent.

Les voitures se divisent en deux catégories. On trouve beaucoup de pick-up, ou « truck » (de pick-up truck). Pour faire simple pour les non-initiés, ce sont des véhicules avec un plateau ouvert à la place du coffre. Non sans une certaine forme d'auto-dérision, beaucoup pensent ici que leur taille n'est pas forcément adaptée à l'utilisation qu'en font leur propriétaire, mais plus à l'image qu'il veut donner, ou qu'il a, de lui. Mais on trouve aussi des "petites" voitures. Ce sont nos bonnes vieilles voitures de ville, qui semblent bien petites par rapport à certains trucks. Elles sont très adaptées pour une conduite dans ces climats. C'est juste qu'elles ne permettent pas de transporter du gros matériel, type cuve à eau. Donc en général, on a un truck et une petite voiture.


Je dois avouer que les conducteurs sont très prudents. Sans doute à cause du gel et de la neige. Chacun roule à une allure très raisonnable, respecte les priorités et s'arrête plus souvent qu'à son tour pour éviter d'avoir à freiner en catastrophe, ce qui entrainerait automatiquement un dérapage incontrôlé.

Il y a très peu de transport en commun. Il existe cinq lignes de bus dans Fairbanks mais elles ne permettent pas de rejoindre les faubourgs de la ville. En hiver, il n'y a apparramment qu'une seule ligne de bus qui relie Fairbanks à Anchorage. Il y a également une ligne de train sur le même tracé. Sinon, il y a l'avion. Il est très utile pour rejoindre les régions reculées et pour transporter matériel et approvisionnement. Quand j'ai fait Anchorage-Fairbanks à l'arrivée, j'étais dans un avion dont les soutes étaient doublées d'une partie transport de matériel située entre le cockpit du pilote et les ailes. Aussi, la partie passagers était réduite à la queue de l'appareil.

Vie sociale

Le plus important pour la fin. D'abord, il faut savoir que de tous ceux que j'ai pu rencontrer jusqu'à présent, seulement une poignée est originaire d'Alaska. Bien sûr, je n'en ai vu qu'un échantillon, mais beaucoup viennent des « Lower 48 ». C'est ainsi qu'on appelle ces 48 Etats contigus qui constituent les Etats-Unis "continentaux" (un peu ce qu'on appellerait la France métropolitaine). Pour rappel, en plus des Lower 48, il y a l'Alaska et Hawaï : ca fait donc bien 50 Etats. Il faut y ajouter le District of Columbia (Washington DC) qui est un district fédéral et non un Etat, et quelques possessions outre-mer : Porto Rico, Guam, les Îles Vierges, les Îles Mariannes du Nord, etc.

Ici à Fairbanks, tout le monde se connaît. On se côtoie au boulot, au sport, au lavomatic, etc. Les amis proches le sont d'autant plus l'hiver. On se retrouve pour boire un verre, on passe le week-end à skier, on va faire du sport en salle, de l'escalade (que j'ai pratiquée il y a deux jours), on va au ciné, etc. Ainsi on occupe les longues soirées d'hiver. En revanche, avec les beaux jours, on se voit moins. C'est le moment de recevoir la famille ou les amis, d'aller pêcher et chasser, de faire les réparations nécessaires dans la maison ou sur la voiture en prévision du prochain hiver qui revient toujours bien vite. Et tout le monde le dit, même si les journées sont plus longues en été, elles paraissent toujours trop courtes. Et donc on voit moins les copains.

Voilà pour aujourd'hui. C'est déjà bien long ! J'espère que ça vous a plu et vous a permis d'avoir un petit aperçu de la vie quotidienne ici. A vous les commentaires si vous souhaitez réorienter vers d'autres thématiques. Et pour les photos, j'essaie de mettre en ligne prochainement un package spécial Fairbanks.

3 commentaires:

  1. Les photos...les photos...les photos !!
    C'est gué-nial comme toujours !!
    KLB

    RépondreSupprimer
  2. une question (non pas sur le mascara !) : comment ils font pour conserver le compost issu des toilettes sèches tout l'hiver ?
    Sinon, c'est marrant comme c'est l'inverse de chez nous, ils voient les copains l'hiver pour s'occuper, et l'été ils font leur vie; Alors que nous, ce sera plutôt tranquille chez soi au chaud l'hiver, et apéro avec les copains tout l'été ;-)

    RépondreSupprimer
  3. Ils vident la cuve des toilettes sèches dans un bac à compost à l'extérieur tous les mois environ. Du coup dehors ça gèle un peu mais l'été, ils peuvent s'en servir pour le potager ou le jardin.

    RépondreSupprimer