Dans la série Je continue d'être
enchanté par la Colombie, voici l'épisode Bogotá. Le
scénario n'était pas forcément écrit à l'avance. Les seuls
acteurs qui devaient entrer en scène étaient Diana, une amie de ma
copine Maïwenn, qui m'avait offert de m'accueillir durant mon séjour
et Julien un volontaire français de la Délégation Catholique pour
la Coopération (la DCC) avec qui j'étais en contact depuis
plusieurs jours.
Je dirais que l'épisode a même débuté dès
le départ de Medellín. On plante le décor : alors qu'on est
déjà à 1.600 ou 1.700 m. d'altitude, la route s'élève rapidement
puis serpente à flanc de coteaux, sur les hauteurs de la Cordillère
centrale. Les Andes ont ici un costume tropical, une végétation qui
dégueule de verdure. Les paysages de montagnes vertigineux offrent
ses premiers frissons au spectateur voyageur. Vient ensuite la
descente vers le Río Magdalena, ce grand fleuve qui traverse la
Colombie du Sud au Nord. Une fois de l'autre côté, on remonte la
pente lentement pour atteindre le plateau de Bogotá à 2.650 m. On
peut alors applaudir cette première scène qui a tout de même duré
dix heures mais sans incident dramatique, ce qui relève de l'exploit
vu l'étroitesse de la route et le trafic impressionnant des
semi-remorques et autres camions-citernes.
C'est alors qu'entre en scène Diana. À la
gare routière, elle est venue m'accueillir chaleureusement mais cela
n'empêcha pas mon deuxième frisson de la journée : il fait
12°C ! Le contraste en quelques jours entre Carthagène,
Medellín puis Bogotá est saisissant. Je suis hébergé dans
l'appartement familial où je fais la connaissance de ses parents. Le
lendemain, je profite de l'anniversaire de son père pour cuisiner un
gâteau au chocolat. En Amérique du Nord j'avais déjà eu
l'occasion de constater que la cuisson prenait plus de temps en
altitude, quand l'oxygène vient à manquer. Mais à ce point !...
Au lieu du quart d'heure conventionnel, le suspense a duré plus
d'une heure, sachant qu'à mi-temps, j'ai dû aussi me résigner à
augmenter la température de 200° à 300°C. Marie-Estelle, cette
mise à jour est à noter dans la recette !
A Bogotá, je rencontre Julien. Il est
volontaire pour la DCC depuis presque un an et a renouvelé son
contrat pour une année supplémentaire. Il travaille dans un
quartier populaire du Sud de la capitale pour l'association Projeter
sans frontières, une ONG de développement dont les projets
participatifs visent à combattre la pauvreté, l’exclusion sociale
et les menaces contre l’environnement et la culture des populations
locales. Echange d'expériences très intéressant autour d'un
cappuccino puis d'une balade dans le quartier historique de la
Candelaria. Une de ces mille et une rencontres enrichissantes
qui font la beauté du voyage.
La scène suivante se déroule sur deux
jours. Changement radical de décor. En voici le script. Le père de
Diana possède une finca (une ferme) à Castilla la Nueva, à
180 km de Bogotá, où il passe cinq jours par semaine, sa femme
l'accompagnant en général une fois par mois. Quand j'apprends
qu'ils s'y rendent le lendemain, je leur demande de les accompagner,
quitte à rentrer en bus. Nous partons donc tous les trois pour
dévaler ces 180 km, au sens littéral du terme puisqu'on passera de
3.000 mètres sur les hauteurs de Bogotá à quasiment le niveau de
la mer dans l'immense plaine de l'est colombien. On passe des
fraîches montagnes andines à la chaude plaine amazonienne aussi
subitement que de vie à trépas.
Je passe donc deux jours à voir
comment fonctionne cette ferme, avec son troupeau de vaches laitières
et ses taureaux pour la boucherie, avec ses bassins piscicoles (très
bon, le poisson bien frais!), avec ses champs de maïs, avec sa
basse-cour, ses chevaux, ses singes. Cette région, aussi appelée
los Llanos (grandes plaines herbeuses), s'étend sur plus de la moitié du pays, jusqu'aux
confins du Venezuela et du Brésil. La petite moitié ouest de la
Colombie est constituée de trois chaines de montagnes parallèles :
la cordillère occidentale, la cordillère centrale et la cordillère
orientale. C'est l'extrémité nord de la Cordillère des Andes.
Les dernières séquences se passeront à
Bogotá avec, en ordre d'apparition, l'ascencion du Monserrate pour
admirer la vue sur la ville, la visite de la maison de Simon Bolivar,
le Libertador (grand artisan des indépendances de la Bolivie,
la Colombie, l'Équateur, le Panama, le Pérou et le Venezuela) puis
du très réputé Musée de l'Or. Coup de projecteur sur Bogotá :
ancienne capitale du royaume de Nouvelle-Grenade
(Colombie, Equateur et Venezuela actuels), un centre ville
historique, des quartiers populaires, des quartiers d'affaires, des
embouteillages monstres, un système de transport public en-deçà
des enjeux d'une capitale. La ville est tentaculaire, plus de 9
millions d'habitants (1/5 de la population du pays). Mais on s'y
repère plutôt facilement grâce à son plan hippodamien (j'ai
récemment appris ce mot!). Séquence culture générale (à part
pour les architectes de la famille) : Hippodamos de Milet,
architecte grec du Ve siècle av. J-C, est reconnu pour avoir été
un des fondateurs de la planification urbaine : il a créé le
plan en damier.
Voici venu le moment du générique de fin,
où je citerai pour la cuisine : les grandes qualités
culinaires des cuisinières que j'aurais croisées à Bogotá et à
Castilla la Nueva ; pour la musique : les soirées
bogotanas en compagnie de Diana, Claudio et Paula ; et la palme
d'or pour le clou du spectacle le dernier jour, dimanche midi. Alors
que j'achetais de nouvelles chaussures au centre commercial,
j'aperçois des chaises bien ordonnées en plein milieu d'une des
allées commerçantes, au pied des escalators, toutes tournées vers
une table qui servira très rapidement d'autel pour la messe qui est
sur le point de démarrer. La messe dans un temple de la
consommation, c'est concept !
Près de San Agustín (dans le Sud de la
Colombie), dans la plantation de café où j'ai posé mon sac à dos
pour deux semaines, je suis maintenant bien loin de Bogotá. On est
toujours dans la même série, mais suite du récit au prochain
épisode…