31 janvier 2012

Alaskan lifestyle

Il est 15h ce vendredi. Je retrouve Andrew. Après quelques jours de correspondances par mail, je l'ai rencontré la veille après qu'il m'eut proposé de venir passer le week-end avec ses potes. On passe faire un peu de ravitaillement. On s'arrête chez lui pour faire les sacs : surtout ne pas oublier une épaisseur, du sous-gant à la grosse doudoune en duvet, en passant par les bottes rembourrées et les sacs de couchage à -10° ou -20°. On embarque de quoi cuisiner, faire fondre la neige, les skis, des jeux, les maillots de bain (vous verrez...).

La nuit est tombée, on arrive au chalet qui nous servira de base arrière pendant le week-end. C'est une grande pièce de 6 mètres sur 6 avec un poêle à bois, une grande table au milieu et six grosses couchettes superposées en bois. Pas d'électricité : on se chauffe au bois, on cuisine sur le poêle. Pas d'eau, on fait fondre la neige et les toilettes sont dehors. Et là-dedans, vous mettez 11 personnes et cinq chiens. Très vite une bonne ambiance. Je me concentre pour suivre les conversations, d'abord parce que leur anglais est bourré de "slang" (ou argot) très différent de celui des Britanniques et puis parce que c'est l'heure de mes petits coups de barre dus au décalage horaire. Sinon au niveau des chiens aussi, c'est la fête ! Le chalet s'anime et se chauffe très vite.


Samedi, on sort les skis. Au programme : cross-country (ski de randonnée). On a prévu 25 km. On s'habille, ça prend des heures ! Mais chaque détail compte. Et c'est parti. Le soleil est là, six heures par jour environ. Il ne monte pas très haut à l'horizon mais il sublime les paysages, en particulier au moment du crépuscule qui dure des heures à cette latitude.


Tacite règle du jeu : personne ne s'attend. Chacun avance. À son rythme. On ne peut s'arrêter ni trop longtemps ni trop souvent, sous peine de geler sur place et de ne plus pouvoir se réchauffer. On fait une halte au milieu dans une cabane où on peut faire un feu et grignoter tout ce que l'Amérique peut proposer de junk-food, le tout arrosé de RedBull. Et on sent le compteur à calories remonter en flèche ; c'est génial ! On peut manger n'importe quoi, de toute façon, on aura tout brûler d'ici l'arrivée.


On repart. Les paysages sont vallonnés, une bonne couche de neige au sol et beaucoup de pins très fins. Il fait -40°. Inutile de demander s'il s'agit de Celsius ou de Fahrenheit : c'est la seule température où les deux sont équivalentes. Bien couverts et en mouvement permanent, on n'a pas froid. Au contraire ! On dégage tellement de chaleur que la condensation se transforme en glace sur les surfaces extérieures (vêtements, cils et sourcils, etc.). En fin de journée, j'ai juste mal au bout des doigts. Sans doute une conséquence d'incessants chaud-froid. Dans deux jours, ça aura disparu.


Les chiens tiennent bon avec leur petite pèlerine sur le dos et des espèces de chaussettes en polaire imperméable. L'ordi est resté au chaud, mais l'appareil photo lui aussi tient bon. Et dire qu'il est contre-indiqué de le sortir en-deçà de -5°C ! Mais pour la bonne cause et pour de super photos, on ne renonce pas. Au final, j'ai largement préféré cette expérience à celle, un peu plus malheureuse d'il y a 15 ans. Je ne suis toujours pas persuadé d'être allé beaucoup plus vite que si j'avais parcouru la distance à pied mais je suis arrivé avant la nuit noire et j'ai pas fini dernier.


Au retour, les uns réchauffent le repas, les autres vont couper du bois le long de la rivière gelée. Ma jambe gauche retiendra que les rebords de la rivière le sont un peu moins... Heureusement que j'ai une paire de chaussette de rechange. Au menu du dîner : un copieux chili con carne et des boulettes de beurre de cacahuète enrobées de chocolat (une tuerie !) en guise de dessert.

Le soir, on ressort. On part, en voiture cette fois, vers les sources d'eaux chaudes de la rivière Chena (Chena hot springs). Même par ces températures on arrive à réaliser s'il fait plus ou moins froid que ce qu'on a connu plus tôt dans la journée. Le verdict tombe de la part du gérant des sources : « 55 below ». En français et en Celsius, ça donne -48,3°. Record personnel du Kosovo battu de presque 20°.

Et qui dit sources d'eaux chaudes, dit baignade ! C'est là qu'on sort les maillots et qu'on court vers les bassins extérieurs. En courant, on ne sent pas le froid. Et là, on plonge dans une eau à 40°C (en positif !). 90° d'amplitude thermique. Heureusement que la température extérieure n'est pas de 10°C, on finirait comme le homard au fond de sa casserole.

L'air humide autour des sources "gèle" instantanément. Les cheveux givrent en cinq minutes, telle l'herbe au petit matin après une nuit bien fraîche. On est beaux avec nos tignasses toutes blanches. Mais on ne ressent pas le froid. Là pas de photos : condensation + froid extrême, j'avais pas envie de faire sauter toute l'électronique !

De retour au chalet, Andrew s'amuse à se projeter : « Même si on gagnait 35°, il ne ferait toujours que -15°C ! ». C'est vrai qu'on a du mal à le croire. Au delà de -15°C ou -20°C, les chiffres ne parlent plus trop. Mais c'est impressionnant. Dehors, on a un peu de mal à respirer, l'air râpe la gorge comme du papier de verre. Renforcée par un ciel sans nuage, on a l'impression qu'il n'y a même plus d'atmosphère. C'est alors que tout le monde s’emmitoufle pour la nuit.


Dimanche, après une petite balade à pied, il est temps de s'occuper des voitures. Par ces températures, elles aussi souffrent. Il faut réchauffer tout ça. Le métal ne craint pas ces températures mais c'est pour les liquides que c'est dur. Tout gèle ; sauf l'essence. L'huile devient plus gluante que le miel. Certains branchent leur véhicule au petit groupe électrogène que quelqu'un a apporté. Cela met en route le mécanisme de réchauffe au sein du moteur et de la batterie. D'autres font brûler du charbon sous le capot, qu'ils recouvrent de vieilles couvertures pour contenir la chaleur. En dernier lieu, il faudra sortir un chalumeau pour la dernière voiture récalcitrante. Ensuite, les moteurs tournent à vide un moment pour tout remettre à température. Tout ça prend entre deux et trois heures, mais pour les passionnés de mécanique automobile, ça passe très vite !


Au retour, je loge chez Andrew et sa copine Anna. Mauvaise surprise, le chauffage a sauté pendant le week-end. Il fait -5°C dans la maison. Le chat, qu'on avait laissé, n'en peut plus de joie de nous revoir. Il a bien cru finir en Mr. Freeze. L'eau a gelé dans les canalisations. Et pour rappel, tout ce qui gèle occupe un volume plus important qu'à l'état liquide. Il faut donc remettre en route le chauffage d'urgence avant que tout pète.

Voilà. Ça fait une petite semaine que je suis là et j'ai déjà eu un bel aperçu de l'Alaska en hiver. Mais en soi, je n'ai pas encore beaucoup bougé. Promis, demain, le programme qui m'attend... ou plutôt les options qui s'offrent à moi.

PS. Un grand merci pour vos nombreuses visites et pour vos messages/commentaires (tout spécialement les 4e, ça m'a fait super plaisir de vous lire). Je sais que certains galèrent mais j'ai pas encore la recette magique pour expliquer comment ça marche (d'autant que c'est plus simple pour moi puisque je suis administrateur du blog). Si certains pouvaient contribuer, j'apprécierai :-)

9 commentaires:

  1. Deux secondes pour créer un compte google:il suffit d'avoir déjà une adresse mail lambda (yahoo, hotmail), une idée de pseudo, et hop, on commente!!

    https://accounts.google.com/NewAccount?continue=http%3A%2F%2Fwww.blogger.com%2Fcomment-iframe.do%3FloginRedirect%3DYzB9NDUBAAA.9SRnYCYpYVYFZ9cLt2MYnbd5Qca2-a2wbpmfo5t2kbw.7z1IZfb-jHVPGPKB6dblnw&hl=fr&service=blogger&ltmpl=start

    Merci pour le partage Nico, superbe expérience que tu vis là :)

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  2. Magnifique, on le vit avec toi. Mais ne sois pas trop radin en photo de toi ;-) ! J'ai adoré te voir emmitouflé et le visage plein de glace.

    Hâte de lire la suite.

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  3. Splendide, continue à nous faire rêver comme ça.

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  4. est-ce qu'il existe du mascara anti-givre en Alaska ? :-)

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  5. Magnifique! Mais ferme ton manteau tu vas prendre froid.

    Claire et Guillaume (ceux qui ne sont pas autour du monde)

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  6. Ah bah ca commence bien !!! Profite bien et profites pour b=nous, pauvres sédentaires !!!
    Je t embrasse

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  7. Super tes récits et enfin une photo de toi dans le grand Nord!
    On suit attentivement ton périple par ici!

    On t'embrasse
    Sophie et Jean-Patrick

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  8. Merci pour tes récits !

    Grande question qui nous taraude par ces temps froids : comment fait-on pipi (ou plus) par -40° en pleine nature ? C'est un détail que tu n'abordes pas dans ton post...

    Hélène et JB

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  9. Comment on fait ? On fait vite :-)
    Mais honnêtement quand tu viens de l'intérieur et que ça dure pas plus d'une minute, ton corps n'a pas le temps d'avoir vraiment froid. Et pour la lunette des toilettes, ils utilisent du polystyrène qui a un coefficient de conductivité thermique très très faible. Donc tu restes pas accroché ou brûlé comme ça pourrait être le cas avec du métal.

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