14 août 2012

La vie à Pinpin et dans les communautés voisines

Tant de choses à raconter sur ces cinq jours à Pinpin que je ne sais par où commencer. Peut-être tout simplement par remercier Elsa et Nico qui m'ont accueilli et sans qui je n'aurais pas pu vivre tout ça, au vert et au plus près d'une communauté locale. Une immersion complète dans leur quotidien et celui des communautés alentours. Rapidement, pour vous les présenter, Elsa et Nico sont deux Français partis en mars dernier pour un an au Guatemala dans le cadre d'un volontariat. Ils font de l'animation de réseau dans des associations partenaires du CCFD-Terre Solidaire (ONG française de développement) dans les domaines de l'agro-écologie et des droits des femmes.

Je peux aussi planter un peu le décor. Pinpin – prononcer « pine-pine » en espagnol – est une petite communauté (autrement dit, un village) qui s'étale à flanc de montagne, dans l'ouest du Guatemala, dans la région de Los Altos, les Hautes Terres. A part la moitié nord, le Guatemala est assez montagneux, voire volcanique. Certains volcans sont même actuellement en éruption. Dans la région des Hautes Terres, les coutumes et traditions indiennes guatémaltèques restent assez présentes, même si elles se diluent avec le temps. Niveau climat, on est toujours sous les tropiques, c'est toujours la saison des pluies (juin à septembre) et à 2.400 m. d'altitude, en fonction des heures de la journée, on est au-dessus des nuages … ou juste en dessous !

Pinpin et les autres communautés de la région sont parmi les plus reculées (10 heures de bus pour rejoindre la capitale et toujours autant de topes, qu'on appelle tumulos ici). Aux confins du pays, à la frontière avec le Chiapas (Mexique), c'est un petite route qui dessert le chapelet des principaux villages, d'où partent ensuite des chemins vers de plus petites communautés, au fond des vallées, ou plus haut dans la montagne. Peu possèdent un véhicule, alors on se déplace en transport en commun. Pour circuler sur la route principale, on emprunte les chicken bus, ces anciens bus scolaires nord-américains repeints aux couleurs vives. À l'intérieur c'est l'entassement maximum (un peu comme des poulets en cage qu'on emmène au marché – d'où le nom, je pense!) mais pour que tout se passe bien, nous sommes entourés d'images pieuses ou de slogans type « Jesus te acompañe » ou « Dios te bendiga » (« Que Jesus t'accompagne » ou encore « Dieu te bénisse »). J'ai testé pour vous : ces bus sont d'une robustesse à toute épreuve ! Pour ensuite rejoindre les communautés, on monte dans un colectivo, qui prend la forme d'un taxi collectif ou d'un mini-van.

Quelques mots rapides sur l'habitat. Les maisons sont de briques et de torchis, avec toit en palmes séchées ou en zinc. Un seul niveau, de plain-pied, une pièce pour vivre, d'autres pour dormir. La cuisine se fait sur un poêle à bois, qui permet aussi de chauffer un minimum, parce qu'il fait un peu frais et surtout très humide pendant la saison des pluies. L'intérieur est minimaliste mais fonctionnel.

Dans les communautés, tout ou presque tourne autour de la terre. On cultive, on élève, pour sa consommation propre ou pour la vente au porte-à-porte ou sur les marchés de la région. La topographie oblige à cultiver des terrains en terrasse, grignotés sur la forêt tropicale. Principalement, ce sont de petites cultures de maïs, la base de l'alimentation. Mais on trouve aussi toutes sortes de légumes : haricots, pommes de terre, carottes, choux, tomates, oignons, etc. Les arbres fruitiers fournissent également abricots, pêches, pommes, etc. Le climat et l'altitude font que poussent quasiment les mêmes fruits et légumes qu'en France. Plus bas, en se rapprochant de la côte, on trouvera café, bananes et cacao. Chaque petite parcela possède également quelques animaux. Généralement ce sont des poules et des poulets, des cochons, des vaches, ou encore des lapins et des chèvres.

L'altitude (2.400 m. à Pinpin), le relief particulièrement accidenté, la végétation tropicale et la difficulté d'accès rendent le labeur difficile. Il faut souvent se lever tôt pour aller vendre sur les marchés. Le retour peut être tardif si la production ne s'écoule pas comme prévu. Certains vont même jusqu'à franchir à pied les cols qui mènent au Chiapas, de l'autre côté du Volcán Tacaná (4.093 m), pour y vendre leurs produits. Et malgré tout, cela ne suffit pas toujours pour vivre, surtout quand les familles comptent jusqu'à une dizaine d'enfants. On fait parfois de petits boulots en complément. Et j'ai eu l'impression que les communautés, où tout le monde est plus ou moins cousin, fonctionnent aussi sur le principe de solidarité et d'entraide.

Généralement les producteurs se réunissent localement en associations, elles-mêmes regroupées en red (réseau, en espagnol) au niveau régional. Plusieurs avantages à cela : échanges d'expertise, mutualisation des moyens, formations techniques, représentation politique, financement d'infrastructure ou de matériel, etc. Ici on cultive bio : on récupère la matière organique, on fait de l'engrais naturel (à base de terre, fiente de poule, compost), on désherbe à la main, on évite les semences hybrides ou les OGM. Nico apporte son expertise à l'un des réseaux, la Kuchub'al, association de commerce équitable et solidaire.

La société est traditionnellement patriarcale. Les femmes n'ont pas beaucoup voix au chapitre et pourtant, en plus du travail quotidien qu'elles effectuent au côté de leur mari, elles ont également à charge de faire tourner la maison (cuisine, vaisselle, lessive, enfants à élever, animaux à nourrir, etc.). Quand on les interrogent, revient souvent un sentiment de sous-estime de soi chez la plupart d'entre elles. Elles n'ont pas conscience de leur rôle et surtout de leur importance au sein de la société ou de leur famille.

Là encore des réseaux de femmes agissent, sensibilisent, organisent réunions et formations. Ce sont autant d'espaces où les femmes peuvent échanger, se sentir valorisées, apprendre à fabriquer de nouveaux produits pour la vente (confitures, pommades à base de plantes, etc.), entendre parler pour la première fois de planification familiale. Voilà un peu le terrain de travail d'Elsa.

Mais au-delà du quotidien qui peut paraître un peu dur-dur, on sait aussi faire la fête ! J'ai eu l'occasion d'assister à une feria agricola, pour célébrer les deux ans d'un petit marché dans une communauté reculée. On fêtait la réussite de cette initiative, parce qu'elle évite aux producteurs du coin de ne plus se déplacer pendant des heures pour vendre leurs produits. À côté du marché, sur la petite place du village, on avait installé un petit groupe de musique. On y jouait entre autre de la marimba, instrument traditionnel du Guatemala qui ressemble à un xylophone géant où au moins quatre personnes jouent en même temps. Au programme de la feria : musique, discours (au pluriel), hymne national chanté la main sur le cœur devant le drapeau (tous les enfants de l'école avaient eu le droit de nous rejoindre juste pour ça), re-discours au pluriel, re-musique, re-discours, tout le monde y est passé, Nico compris. Et comme on est en Amérique latine, on finit par une petite messe, avant de partager un repas : caldo de res, bouillon aromatisé de légumes et de bœuf, accompagné de tamales, petites boules de maïs cuites à la vapeur, enroulées dans des feuilles de maïs.

Par ailleurs, pour fêter les anniversaires de Nico et Elsa (tous les deux nés début août), la communauté de Pinpin leur avait préparé une petite surprise. Au milieu des ballons gonflés pour l'occasion, ils ont eu droit au discours du président de l'association locale qui a fini par laissés place à deux musiciens pour quelques chants au son de leurs guitares. Tout ça s'est conclu par un bon repas partagé : caldo de pollo et tamales (même chose qu'à la feria mais au poulet cette fois) et bien sûr gâteaux d'anniversaire, qu'il est de tradition de goûter d'abord à pleines dents pour mieux se faire planter le nez dans la crème. Une fête toute simple dans une ambiance unique.

Voilà, c'était un petit concentré, forcément incomplet ou parcellaire. Mais l'important finalement c'est d'avoir pu le vivre !


4 commentaires:

  1. Quel bel article ! T'as été relu ou quoi ? jaja :-)

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  2. Petit Scarabée16 août 2012 à 10:52

    Concentré certes mais tu nous la refera en version longue ;)
    Bref...J'aime !
    KLB

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  3. Salut Nicolas,
    Je ne me lasse pas de te lire et regarder tes superbes photos. Faudra me donner des cours à ton retour...
    Arno, taxi chichen-Itza/Tulum

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  4. Quelle expérience ! Tu as fait une sacrée immersion dans la ruralité du Sud, j'ai eu l'impression d'être dans mon bouquin de 5ème... Tout d'un coup, cela devient plus proche grâce à toi !
    Ton sac de souvenirs s'alourdit bien !
    Au fait, j'ai eu ma réponse pour le chicken bus ! Que Dios te bendiga !
    Flo

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