Tant de choses à raconter sur ces cinq jours à Pinpin que je ne
sais par où commencer. Peut-être tout simplement par remercier Elsa
et Nico qui m'ont accueilli et sans qui je n'aurais pas pu vivre tout
ça, au vert et au plus près d'une communauté locale. Une immersion
complète dans leur quotidien et celui des communautés alentours.
Rapidement, pour vous les présenter, Elsa et Nico sont deux Français
partis en mars dernier pour un an au Guatemala dans le cadre d'un
volontariat. Ils font de l'animation de réseau dans des associations
partenaires du CCFD-Terre Solidaire (ONG française de développement)
dans les domaines de l'agro-écologie et des droits des femmes.
Je peux aussi planter un peu le décor. Pinpin – prononcer
« pine-pine » en espagnol – est une petite
communauté (autrement dit, un village) qui s'étale à flanc de
montagne, dans l'ouest du Guatemala, dans la région de Los Altos,
les Hautes Terres. A part la moitié nord, le Guatemala est assez
montagneux, voire volcanique. Certains volcans sont même
actuellement en éruption. Dans la région des Hautes Terres, les
coutumes et traditions indiennes guatémaltèques restent assez
présentes, même si elles se diluent avec le temps. Niveau climat,
on est toujours sous les tropiques, c'est toujours la saison des
pluies (juin à septembre) et à 2.400 m. d'altitude, en fonction des
heures de la journée, on est au-dessus des nuages … ou juste en
dessous !
Pinpin et les autres communautés de la région sont parmi les plus
reculées (10 heures de bus pour rejoindre la capitale et toujours
autant de topes, qu'on appelle tumulos ici). Aux
confins du pays, à la frontière avec le Chiapas (Mexique), c'est un
petite route qui dessert le chapelet des principaux villages, d'où
partent ensuite des chemins vers de plus petites communautés, au
fond des vallées, ou plus haut dans la montagne. Peu possèdent un
véhicule, alors on se déplace en transport en commun. Pour circuler
sur la route principale, on emprunte les chicken bus, ces
anciens bus scolaires nord-américains repeints aux couleurs vives. À
l'intérieur c'est l'entassement maximum (un peu comme des poulets en
cage qu'on emmène au marché – d'où le nom, je pense!) mais pour
que tout se passe bien, nous sommes entourés d'images pieuses ou de
slogans type « Jesus te acompañe » ou « Dios
te bendiga » (« Que Jesus t'accompagne » ou
encore « Dieu te bénisse »). J'ai testé pour vous :
ces bus sont d'une robustesse à toute épreuve ! Pour ensuite
rejoindre les communautés, on monte dans un colectivo, qui
prend la forme d'un taxi collectif ou d'un mini-van.
Quelques mots rapides sur l'habitat. Les maisons sont de briques et
de torchis, avec toit en palmes séchées ou en zinc. Un seul niveau,
de plain-pied, une pièce pour vivre, d'autres pour dormir. La
cuisine se fait sur un poêle à bois, qui permet aussi de chauffer
un minimum, parce qu'il fait un peu frais et surtout très humide
pendant la saison des pluies. L'intérieur est minimaliste mais
fonctionnel.
Dans les communautés, tout ou presque tourne autour de la terre. On
cultive, on élève, pour sa consommation propre ou pour la vente au
porte-à-porte ou sur les marchés de la région. La topographie
oblige à cultiver des terrains en terrasse, grignotés sur la forêt
tropicale. Principalement, ce sont de petites cultures de maïs, la
base de l'alimentation. Mais on trouve aussi toutes sortes
de légumes : haricots, pommes de terre, carottes, choux,
tomates, oignons, etc. Les arbres fruitiers
fournissent également abricots, pêches, pommes, etc. Le climat et
l'altitude font que poussent quasiment les mêmes fruits et légumes
qu'en France. Plus bas, en se rapprochant de la côte, on trouvera
café, bananes et cacao. Chaque petite parcela possède
également quelques animaux. Généralement ce sont des poules et des
poulets, des cochons, des vaches, ou encore des lapins et des
chèvres.
L'altitude (2.400 m. à Pinpin), le relief particulièrement
accidenté, la végétation tropicale et la difficulté d'accès
rendent le labeur difficile. Il faut souvent se lever tôt pour aller
vendre sur les marchés. Le retour peut être tardif si la production
ne s'écoule pas comme prévu. Certains vont même jusqu'à franchir
à pied les cols qui mènent au Chiapas, de l'autre côté du Volcán
Tacaná (4.093 m), pour y vendre leurs produits. Et malgré tout,
cela ne suffit pas toujours pour vivre, surtout quand les familles
comptent jusqu'à une dizaine d'enfants. On fait parfois de petits
boulots en complément. Et j'ai eu l'impression que les communautés,
où tout le monde est plus ou moins cousin, fonctionnent aussi sur le
principe de solidarité et d'entraide.
Généralement les producteurs se réunissent localement en
associations, elles-mêmes regroupées en red (réseau, en
espagnol) au niveau régional. Plusieurs avantages à cela :
échanges d'expertise, mutualisation des moyens, formations
techniques, représentation politique, financement d'infrastructure
ou de matériel, etc. Ici on cultive bio : on récupère la
matière organique, on fait de l'engrais naturel (à base de terre,
fiente de poule, compost), on désherbe à la main, on évite les
semences hybrides ou les OGM. Nico apporte son expertise à l'un des
réseaux, la Kuchub'al, association de commerce équitable et solidaire.
La société est traditionnellement patriarcale. Les femmes n'ont pas
beaucoup voix au chapitre et pourtant, en plus du travail quotidien
qu'elles effectuent au côté de leur mari, elles ont également à
charge de faire tourner la maison (cuisine, vaisselle, lessive,
enfants à élever, animaux à nourrir, etc.). Quand on les
interrogent, revient souvent un sentiment de sous-estime de soi chez
la plupart d'entre elles. Elles n'ont pas conscience de leur rôle et
surtout de leur importance au sein de la société ou de leur
famille.
Là encore des réseaux de femmes agissent, sensibilisent, organisent
réunions et formations. Ce sont autant d'espaces où les femmes
peuvent échanger, se sentir valorisées, apprendre à fabriquer de
nouveaux produits pour la vente (confitures, pommades à base de
plantes, etc.), entendre parler pour la première fois de
planification familiale. Voilà un peu le terrain de travail d'Elsa.
Mais au-delà du quotidien qui peut paraître un peu dur-dur, on sait
aussi faire la fête ! J'ai eu l'occasion d'assister à une
feria agricola, pour célébrer les deux ans d'un petit marché
dans une communauté reculée. On fêtait la réussite de cette
initiative, parce qu'elle évite aux producteurs du coin de ne
plus se déplacer pendant des heures pour vendre leurs produits. À
côté du marché, sur la petite place du village, on avait installé
un petit groupe de musique. On y jouait entre autre de la marimba,
instrument traditionnel du Guatemala qui ressemble à un xylophone
géant où au moins quatre personnes jouent en même temps. Au
programme de la feria : musique, discours (au pluriel),
hymne national chanté la main sur le cœur devant le drapeau (tous
les enfants de l'école avaient eu le droit de nous rejoindre juste
pour ça), re-discours au pluriel, re-musique, re-discours, tout le monde y est passé, Nico compris. Et comme on est en Amérique latine, on
finit par une petite messe, avant de partager un repas : caldo
de res, bouillon aromatisé de légumes et de bœuf, accompagné
de tamales, petites boules de maïs cuites à la vapeur,
enroulées dans des feuilles de maïs.
Par ailleurs, pour fêter les anniversaires de Nico et Elsa (tous les
deux nés début août), la communauté de Pinpin leur avait préparé
une petite surprise. Au milieu des ballons gonflés pour l'occasion,
ils ont eu droit au discours du président de l'association locale
qui a fini par laissés place à deux musiciens pour quelques chants
au son de leurs guitares. Tout ça s'est conclu par un bon repas
partagé : caldo de pollo et tamales (même chose
qu'à la feria mais au poulet cette fois) et bien sûr gâteaux
d'anniversaire, qu'il est de tradition de goûter d'abord à pleines
dents pour mieux se faire planter le nez dans la crème. Une fête
toute simple dans une ambiance unique.
Voilà, c'était un petit concentré, forcément incomplet ou
parcellaire. Mais l'important finalement c'est d'avoir pu le vivre !
Quel bel article ! T'as été relu ou quoi ? jaja :-)
RépondreSupprimerConcentré certes mais tu nous la refera en version longue ;)
RépondreSupprimerBref...J'aime !
KLB
Salut Nicolas,
RépondreSupprimerJe ne me lasse pas de te lire et regarder tes superbes photos. Faudra me donner des cours à ton retour...
Arno, taxi chichen-Itza/Tulum
Quelle expérience ! Tu as fait une sacrée immersion dans la ruralité du Sud, j'ai eu l'impression d'être dans mon bouquin de 5ème... Tout d'un coup, cela devient plus proche grâce à toi !
RépondreSupprimerTon sac de souvenirs s'alourdit bien !
Au fait, j'ai eu ma réponse pour le chicken bus ! Que Dios te bendiga !
Flo