18 avril 2012

Plus qu'un village, une communauté

Bolinas. C'était un nom de village sur mon carnet de route. C'était une suggestion confidentielle de la part de Lucio (que vous avez découvert dans mes Rencontres sur la côte Pacifique). Ça a été quelques décennies de lutte contre le comté pour éviter d'avoir des panneaux indiquant le village sur les routes alentours. Mais Bolinas aura été bien plus que ça !

Tout a commencé par une fin de journée très pluvieuse, où j'avais été contraint à un détour de plusieurs dizaines de kilomètres parce qu'un de mes conducteurs du jour ne m'avait pas déposé au bon endroit (malgré mes demandes répétées...). Et là, Mark s'arrête. Je n'y croyais plus trop. Je lui dis que je cherche à aller à Bolinas. Il me répond : « Monte ! C'est là où j'habite ». La belle aubaine !

En voiture, on commence à bien discuter. Le courant passe tout de suite avec cet homme de 70 ans, franc sourire, curieux, vétéran du Vietnam, vagabond dans sa jeunesse, stabilisé à Bolinas depuis 25 ans. Quand je lui demande quelques pistes pour trouver un terrain pour camper pas cher dans le coin, il me fait comprendre qu'il y réfléchit. En fait, il mûrissait déjà sa réflexion depuis quelques minutes. Et arrivé à Bolinas, il me propose un tour du village et ensuite de m'héberger chez lui. Il faut juste que sa femme Meg soit d'accord. Mais quand vous voyez Meg, vous vous doutez qu'elle est en général d'accord pour beaucoup de choses.


Bolinas est un village un peu isolé. Littéralement, ce n'est même pas sur le continent américain puisque la fameuse faille de San Andreas (responsable de tant de tremblements de terre) sépare la plaque du Pacifique où se trouve Bolinas de la plaque de l'Amérique du Nord sur laquelle se trouvent les Etats-Unis.

Dans les années 70, toute une bande de hippies s'est installée là pour préserver la petite baie (ce qu'ils appellent le Lagoon) d'une fuite d'hydrocarbures en baie de San Francisco. Et ils sont restés. Quand quelques businessmen ont commencé à avoir des vues sur cet endroit assez paradisiaque, les hippies se sont organisés politiquement pour créer une véritable communauté.

C'est cet esprit qui a perduré au fil des décennies. Non pas celui d'une communauté fermée d'irréductibles hippies vivant dans des vans Volkswagen où ne régneraient que « sex, drugs and rock 'n roll » comme ça pouvait être le cas dans d'autres temps. Non. C'est bien plus une communauté consciente de la chance qu'elle a de vivre dans une endroit superbe, qu'elle se doit de préserver et faire vivre en harmonie.


La communauté ne cherche pas à s'étendre outre mesure. Entourée par des parcs naturels, la place est limitée, l'accès à l'eau difficile. C'est d'ailleurs ce dernier qui conditionne l'octroi ou non de terrain. C'est ainsi que la communauté s'est battue pour empêcher la construction d'un complexe hôtelier : « désolé, mais non ! On ne pourra avoir assez d'eau pour vous ! ». Fin du projet.

À dire vrai, c'est assez fascinant de voir comment les personnes qui habitent là se sentent impliquées dans la vie de la communauté. Il y a un vrai sentiment d'appartenance, de vision collective pour leur communauté, de mobilisation et de lutte collective quand arrive un danger naturel ou urbain. Ce n'est pas simple tous les jours mais Mark et Meg m'ont assuré que cet état d'esprit se construisait au jour le jour. Par des réunions régulières, des événements, des échanges entre les habitants, etc.


Certains travaillent dans l'une des quatre fermes bio de Bolinas, d'autres font tourner les quelques commerces et cafés du village, d'autres encore pèchent ou travaillent à l'extérieur. Mark et Meg, en voyant mon intérêt et ma curiosité, m'auront aussi fait rencontrer John, un copain qui cultive tout un tas de plantes exotiques pour étudier la biodiversité. Fascinant et enrichissant.


Mark et Meg eux habitent là depuis près de trente ans. Ils cultivent leur propre jardin qui leur permet d'être auto-suffisants en fruits et légumes. Ils ont construit leur maison en bois, avec un maximum d'ouvertures pour se sentir presque dehors. Ils font du compost. Ils produisent une bonne partie de leur électricité grâce à des panneaux solaires et peuvent se permettre d'arroser leur jardin grâce à l'eau de récupération.

Bolinas est un petit havre de paix à quelques kilomètres de la baie de San Francisco. On l'aperçoit au loin d'ailleurs. Et on apprécie le calme ici en imaginant l'agitation là-bas. Mark et Meg, par leur accueil simple et chaleureux, auront été une vraie belle surprise sur ma route. Ils auront été une vraie source d'inspiration et de réflexion. Une belle conclusion de mes quinze jours sur la côte Pacifique, avant d'aller découvrir San Francisco.


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