13 mai 2013

The End

C'est toujours difficile de conclure une belle aventure. C'est pour cela que j'ai mis tant de temps à poster ce dernier message. On aurait envie que ça continue. Mais voilà, tout est bel et bien fini. La "boucle" est bouclée.

Comme au festival de Cannes, j'en profite pour vous remercier tous. Un grand merci à ceux qui m'ont aidé, financièrement ou logistiquement (parfois même les deux!). Un grand merci à ceux qui m'ont aidé durant mon voyage : qu'ils m'aient hébergé ou pris en stop, ou tout simplement invité à manger ou boire une bière, donné des contacts, écrit des commentaires sur ce blog ou Facebook ou envoyé des mails. Un grand merci aussi à ceux que j'ai croisé, avec qui j'ai voyagé une journée, une semaine ou un mois. Vous m'avez tous beaucoup apporté.

Je reviens, sans doute un peu différent, sans doute plus savant des cultures d'outre-Atlantique, sans doute plus ouvert à la diversité, sûrement plus aguerri à l'imprévu. Je me rappelle d'une discussion avec FX, ce Français qui m'a hébergé quelques jours à Tucson dans l'Arizona. Nous étions d'accord pour nous dire que voyager c'était accepter de ne pas tout maîtriser, de perdre ses repères culturels, géographiques, linguistiques. On se retrouve face à soi-même, à devoir puiser au fond de nos propres ressources (et nous en avons!) pour faire face à tous ces changements, ces petits challenges de tous les jours. Et on revient avec la certitude que rien n'est vraiment insurmontable.

C'est avec une certaine émotion que referme ce chapitre de ma vie. Merci de l'avoir partagé avec moi, à mes côtés, physiquement ou moralement. Et la suite ? Et bien je dois vous avouer que je profite de ces premières semaines pour revoir ma famille, faire la connaissance de deux nouveaux neveu et nièce, revoir les amis. Oui mais après ? Après, j'ai bien d'autres idées de voyage... mais je les garde pour plus tard.

23 avril 2013

L'extrême Sud

Quand il n'y en a plus, il y en a encore ! Les Argentins s'enorgueillissent d'appeler Ushuaia la ville la plus australe du monde. En soi, c'est vrai si par ville on entend plus de 5.000 habitants. Mais de l'autre côté du Canal Beagle qui la baigne, un chapelet d'îles et d'îlots chiliens m'ont tendu les bras. Au menu : le village, l'office de tourisme et le chemin de randonnée les plus au Sud du monde ! Et pour couronner le tout, quand on prend ce chemin aventureux, on dépasse 55°. Non, pas la température, la latitude Sud.

J'ai donc passé une semaine à Puerto Williams et sur l'île Navarino. Un temps rêvé pour la saison. Personne évidemment puisque j'ai pris le dernier bateau de la saison pour traverser. Une immersion dans le monde des navigateurs qui choisissent volontiers ce petit port protégé pour recharger les batteries. Et des points de vue superbes sur le Canal Beagle et Ushuaia au loin et sur les îles qui entourent celle du Cap Horn. Certes on ne voit pas jusqu'en Antarctique, à mille kilomètres à peine, mais je n'en aurai jamais été aussi proche.

Et je suis ensuite tranquillement reparti à Punta Arenas, au gré des flots, pendant deux jours dans les canaux qui entourent toutes ces petites îles du bout du continent. Et de là, je prends l'avion pour Santiago où je passerai ma dernière soirée de voyage en compagnie d'Ines et Lukas, deux Allemands rencontrés à Torres del Paine. Puis ce sera le retour à Paris !...


15 avril 2013

Tierra del Fuego

Terre de Feu. Terre du bout du monde. Terre ancrée dans notre imaginaire comme l'ultime lieu de vie avant l'immense “Continent Blanc”. Terre qui me semblait inatteignable il y a un peu plus d'un an, alors que j'étais encore perdu dans le Grand Nord.

Terre de Feu. Non, ce n'est pas pour la température qu'il y fait que l'on a attribué ce nom à cet archipel. Mais parce que les Yagans (peuple indigène) allumaient des feux sur la côte comme autant de phares permettant aux bateaux de retour de pêche de se repérer dans ces contrées souvent nuageuses et au relief accidenté.

Arrivé à la fin de mon voyage, dans cette région que je rêvais de découvrir depuis longtemps, je me suis offert un petit plaisir. Avec Stefan, un Suisse rencontré sur les sentiers de Torres del Paine, nous avons loué un mini-van (équipé pour y dormir et cuisiner) afin de mieux explorer la Grande Île de Terre de Feu pendant quatre jours.

A Punta Arenas, nous avons d'abord traversé le détroit de Magellan (encore un nom et un lieu ô combien mythiques!) et entamé notre circuit côté chilien dans le sens inverse des aiguilles d'une montre : Ouest, Sud, Nord, avant de rentrer à Punta Arenas. De là, j'ai alors pris le bus pour me rendre à Ushuaia, en Terre de Feu argentine.

Distance parcourue en mini-van : 1 285 km
Distance parcourue de Punta Arenas à Ushuaia : 625 km


Les photos se passent assez bien de commentaires. Des paysages où les couleurs automnales se mélangent déjà à l'enneigement des sommets du Sud de l'île et où les vastes prairies de la steppe du Nord offrent un joli contraste doré avec un ciel particulièrement clément.

Côté chilien de la Terre de Feu, c'est le grand désert : quelque 7.000 habitants pour un territoire grand comme la Belgique. Mais on y rencontre quelques renards, beaucoup de canards et d'oies, des guanacos (guère plus malins que leurs cousins les lamas), quelques lapins, des émeus et une colonie de manchots royaux dans la Baie Inutile. J'ai appris que le manchot royal est un cousin du manchot empereur. Alors que ce dernier vit exclusivement en Antarctique, le manchot royal est plus petit et habite des territoires sub-antarctiques : la Terre de Feu et des îles australes comme les Kerguelen, Crozet ou la Géorgie du Sud.

Une petite anecdote qui a pimenté ce voyage en terre d'aventures. Le ravitaillement en essence sur l'île n'est pas des plus aisés. Mais avec un peu d'organisation et de planification, ça passe... sauf quand le pompiste, par réflexe, met du diesel à la place du sans-plomb. Plus d'une heure après avoir fait le plein, le mini-van a fait sa tête de mule. Impossible de faire un mètre de plus ; c'est là qu'on s'est rendu compte du forfait. Dans notre malheur, nous avons quand même eu la chance d'être à ce moment-là sur les bords du Lago Blanco, à 100 mètres d'un club de pêcheurs amateurs, qui nous ont bien aidés. Et au milieu de ce nulle-part, ne perdre que 24 heures pour réparer et repartir, c'est être doublement chanceux.

L'Argentine occupe la partie orientale de la Grande Île de Terre de Feu, où l'on trouve les deux principales villes de l'archipel : Rio Grande (65.000 hab.) sur la côte Atlantique et Ushuaia (50.000 hab.) le long du Canal Beagle. Ushuaia, que l'on prononce u-sua-ya, présente la particularité d'être la seule ville argentine géographiquement de l'autre côté de la cordillère des Andes et également la seule à baigner dans les eaux du Pacifique.

Donc voilà. Mardi 9 avril 2013, à 18h10 heure locale, je pose le pied à Ushuaia. “Séquence émotion”, comme le disait Nicolas Hulot dans son émission éponyme. Me voici arrivé au but, au bout du monde, au bout de la route. Emu et heureux d'avoir relevé le pari de relier Fairbanks en Alaska, près du cercle polaire arctique, à cette ville tournée elle vers l'Antarctique. À cet instant, je revis ces quinze mois, je revois tous ces visages, tous ces paysages, ces 60.000 kilomètres à travers 19 pays. J'aurais envie que tous ceux qui m'ont soutenu et aidé se retrouvent ici, au bout du monde, pour qu'on trinque ensemble et que je les/vous remercie encore une fois.

Comme moi, vous savez qu'Ushuaia rime avec « c'est fini, là ! ». Et bien sûr, je serai content de vous retrouver, famille et amis. Mais laissez-moi quelques jours pour profiter encore un peu de ces terres australes, aux alentours d'Ushuaia (Argentine) et de Puerto Williams (Chili). Après, promis, je rentre !



5 avril 2013

Torres del Paine

Pas grand chose à dire, mais beaucoup à voir. Une semaine en autonomie totale dans le parc national Torres del Paine, dans la province de l'Última Esperanza (Dernier Espoir!) à l'extrême sud du Chili. Même après plus d'un an de voyage, je ne suis toujours pas blasé par les beautés de la Nature. Je vous laisse découvrir.



24 mars 2013

El Chaltén, Ruta 40 et Perito Moreno

El Chaltén, autoproclamé village le plus jeune d'Argentine, a été fondé en octobre 1985. Le gouvernement argentin avait la vision stratégique à peine dissimulée d'occuper cette région géographique où les frontières font encore aujourd'hui l'objet de désaccords. En fait, ici même, Chili et Argentine sont d'accord sur le fait qu'il y a un désaccord. C'est déjà ça !

Petit village de 1.000 habitants hors touristes, El Chaltén se fait aussi modestement appeler Capitale nationale du Trekking (randonnée, en anglais). Bon, d'accord, il y a de très belles balades à faire aux alentours, au pied des monts Fitz-Roy et Torres, sur une journée ou sur plusieurs. Fitz-Roy, quel drôle de nom ? Pas très hispanique tout ça ! En fait, ce piton rocheux fut baptisé en l'honneur de Sir Robert Fitz-Roy (1805-1865), commandant du HMS Beagle qui a remonté le Río Santa Cruz en 1834 et cartographié une bonne partie de la côte patagonne.

Après quelques jours à El Chaltén, je reprends la route : la Ruta 40, l'équivalent de la Carretera Austral côté argentin. La route est meilleure, asphaltée, mais absolument aucun petit village, au contraire du Chili. C'est un vrai désert, une plaine balayée par les vents, de grandes étendues d'herbe grillée. Par exemple entre El Chaltén et El Calafate (étape suivante), il y a plus de 200 km, avec juste une petite auberge-restaurant entre les deux. Tout de suite, c'est plus difficile de trouver du monde pour faire du stop. Soit, prenons le bus alors.

À El Calafate, pas grand-chose (en fait, rien) à faire. L'endroit est mort. Sans mauvais jeu de mots, c'est d'ailleurs là qu'est décédé l'ancien président Nestor Kirchner (le mari de la présidente actuelle). A part d'apprendre ça, je suis allé à 75 km de là visiter le fameux glacier Perito Moreno. Vous voulez aussi savoir d'où vient le nom ? Perito, qui signifie spécialiste ou expert en espagnol, est un terme souvent utilisé pour qualifier Francisco Moreno (1852-1919), directeur du musée de la Société scientifique argentine et grand explorateur de la région australe de l'Argentine (et qui joua un rôle important pour la défense du territoire argentin dans le conflit frontalier qui l'oppose au Chili. Tiens donc, encore !). Petit clin d'oeil, c'est également lui qui a établi le scoutisme et le guidisme en Argentine.

Le glacier présente un front curviligne de 5 km pour une hauteur moyenne de 75 mètres au dessus du lac Argentino, soit l'équivalent d'une rangée d'immeubles de 25 étages qui irait de l'Arc de Triomphe et l'Hôtel de Ville de Paris. Et le glacier remonte jusqu'à 30 km à l'intérieur des terres, couvrant ainsi plus de 250 km2. On comprend que cette masse de glace fasse pression et qu'il avance (même si c'est un phénomène rare apparemment). On estime sa vitesse moyenne de progression à 2 mètres par jour, soit 700 m par an. Donc ça grince, ça grogne, ça gronde, ça s'effondre en permanence.

Le Perito Moreno ressemble un peu au dessus d'une tarte meringuée ou à une île flottante (tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas parlé bouffe!). Il s'avance dans un bras – le Brazo Rico – du Lago Argentino, jusqu'à rejoindre la rive d'en face (d'où les visiteurs observent le glacier) et ainsi séparer le Brazo Rico du reste du Lago Argentino. Dans ce nouveau petit "lac", les eaux peuvent monter jusqu'à 30 mètres au-dessus du reste du Lago Argentino. Cette pression sur le glacier creuse petit à petit un tunnel, qui se transforme en arche et qui finit par s'effondrer. Et le processus recommence. Les cycles peuvent durer de deux ans pour les plus courts, jusqu'à 16 ans pour les plus longs enregistrés. Il faut être là au bon moment pour voir le tout s'effondrer. La dernière fois, c'était l'an dernier. Mais sinon, tous les jours des pans entiers de glace se détachent. Dans un bruit assourdissant, c'est donc l'équivalent d'un immeuble de 25 étages qui s'effondre et s'enfonce dans l'eau.


C'est ce qui est le plus impressionnant sur ce glacier qui, au final, n'est pas forcément plus beau ou plus majestueux qu'un autre. J'ai d'ailleurs presque préféré le glacier O'Higgins (cf. article précédent) : moins de touristes, plus isolé, plus difficile d'accès. Et puis c'était mon premier du genre. Cela dit, la région et le glacier valent quand même le détour. Vous en jugerez par vous-mêmes...


20 mars 2013

Carretera Austral (4/4)

Il fallait vouloir la traverser la frontière avec l'Argentine dans cette région perdue, battue par les vents. Mais avec un peu de motivation, du temps devant soi et suffisamment de batterie pour l'appareil photo, c'est faisable. Et je ne regrette rien.

Le voyage commence tôt le matin sur les rives du lac O'Higgins, non loin du petit village de Villa O'Higgins, au bout de la Carretera Austral [NDLR : O'Higgins (Bernardo de son prénom) est un héros de l'indépendance chilienne]. Le bateau traverse pendant trois heures ce lac longiligne. Arrivé à une extrémité, il y a possibilité de rallonger de cinq heures pour aller admirer le glacier O'Higgins. Le temps est clair, légèrement nuageux, j'y vais ! Tant pis pour l'horaire, je camperai en chemin.

On navigue dans un autre embranchement du lac, jusqu'au glacier. C'est de toute beauté : le bleu-vert du lac, les montagnes enneigées, des glaciers de partout accrochés aux montagnes et au bout, le glacier O'Higgins (encore lui !) qui termine sa course dans le lac. La Patagonie comme on l'imagine ! Deux membres d'équipage se frayent un chemin au milieu des icebergs pour aller chercher de la glace et nous offrir un bon verre de whisky avec la glace de ce glacier multi-millénaire.

Fini de s'amuser, maintenant commence la partie marche. Il y a 35 kilomètres à couvrir avant de revoir la route : 20 km jusqu'au Lago del Desierto, 15 km le long du lac. Arrivé à 17h au port, je ne peux qu'espérer arriver au niveau du lac. Peine perdue, je n'arriverai qu'à la frontière avec l'Argentine, au kilomètre 15. Qu'à cela ne tienne ! je dormirai là, à la belle étoile, devant le poteau, les pieds au Chili, la tête en Argentine. On parlait de frontière dans l'article précédent. Je soupçonnais le Chili de s'accrocher aux siennes (on peut se référer à l'histoire de la Guerre du Pacifique, qui priva définitivement la Bolivie de son accès à la mer). Dans ce coin perdu de Patagonie, même certains arbres sont estampillés d'un panneau-drapeau chilien. Et un petit aérodrome a été aménagé juste avant la frontière. Un centimètre carré chilien est un centimètre carré, et il se défend !

Le lendemain, je chemine et me rapproche du mont Fitz-Roy, magnifique, au loin. Je réussis même à saisir son reflet dans le Lago del Desierto au petit matin. Je termine en longeant le lac. De l'autre côté, Natalia et Maxi me prendront en stop pour couvrir les 40 km qui me séparaient encore de El Chaltén. Et voilà une traversée de frontière mémorable, dans une contrée lointaine, sans doute la plus aventureuse de mon voyage, mais pas la dernière. Il me reste quelques étapes en Argentine, puis à nouveau au Chili, avant de finir à Ushuaïa, en Terre de Feu, côté argentin. Ça commence à sentir un peu la fin... allez ! encore un mois pour finir de m'en mettre plein les yeux. En attendant, pour vous, le diaporama des quatre épisodes "Carretera Austral".




15 mars 2013

Carretera Austral (3/4)

Mardi. Une nouvelle journée démarre... un peu tard. J'ai mal dormi, il a fait froid cette nuit. Peu importe. À dix heures, je vais acheter mes petits pains pour mes sandwiches. Je rencontre deux Français. Une bonne nouvelle, une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que ça fait deux heures qu'ils essaient de faire du stop, sans succès. La bonne, c'est que j'ai bien fait de ne pas me lever si tôt finalement !

Ils abandonnent l'idée de faire du stop et vont prendre le bus de la mi-journée. Je me mets en route, en attendant le passage d'une voiture (ou au pire, du bus). Au bout de deux heures de marche le long du lac, une seule voiture est passée. Et elle était pleine. Mais un camion finit par s'arrêter. Milton transporte de la terre pour l'entretien de la route australe, à quelques kilomètres de là. Il me propose de m'avancer. J'accepte, en me disant que de toute façon le bus n'est pas encore passé, alors autant avancer. On discute travaux sur la Carretera, camion, football, etc. Quand je le quitte, un livreur (à l'inverse, très peu bavard!) m'emmène jusqu'à Cochrane. Je suis content. Et comme je suis un chanceux insolent, j'ose encore tenter ma chance. C'est du bonus, je ne suis pas en retard sur mon programme, mais j'ai envie d'avancer, et d'essayer d'aller visiter Tortel. Quinze minutes d'attente et Carles, Rosario et Esteban arrêtent leur jeep. Après avoir fait de la place, ils s'excusent presque en m'annonçant qu'ils vont à Tortel et non pas plus loin !

Tortel, lieu unique. Une passerelle en bois le long du fjord, d'autres qui remontent les pentes et mènent aux maisons. Tout un petit village de bois, de rues en bois, de maisons en bois. On est loin de tout. Le village est connecté au réseau de téléphonie mobile depuis 6 mois seulement. C'est assez drôle parce que tout le monde se balade avec son téléphone portable, comme des enfants exhibant leurs nouveaux jouets. Sinon la radio VHF est toujours très utilisée pour communiquer de maisons en maisons. L'électricité vient du Nord. Et le village est raccordé à la Carretera Austral par un petit chemin de terre de 25 km. Comme vous le voyez, de très minces connexions au monde extérieur.

Le lendemain, mercredi, je marche à nouveau près de trois heures avant que, à nouveau, un camion de chantier ne s'arrête. Je traverse en bateau le Río Bravo. Arrivé en face, il reste 100 km avant Villa O'Higgins. Mais plus j'avance sur cette Route du Sud, moins il y a de véhicules. Normal, c'est un cul-de-sac. A Tortel, j'aurais peut-être dû profiter du départ des 5 Jeeps que je croise régulièrement depuis trois jours (et dont je suis plutôt fier de réussir à suivre le rythme). Mais ça aurait été trop facile ! Je me prépare donc à camper là, au milieu de nulle part, et à attendre le passage du bus le lendemain après-midi. Mais coup de chance ! Alors que toutes les voitures du bac me semblaient pleines, la dernière à sortir du bateau me fait signe. La baraka chilienne jusqu'au bout ! Ils vont à Villa O'Higgins.

J'arrive donc à Villa O'Higgins, au bout de la Carretera Austral. Depuis Bariloche, il m'aura fallu 8 jours de stop pour couvrir ces 1.400 kilomètres. Là encore, à Villa O'Higgins, on est loin de tout. À 500 kilomètres de la grande ville par une route en terre, à une journée à pied du village d'El Chaltén en Argentine. Pas de fjord pour un accès en bateau mais un petit aérodrome. Je soupçonne le gouvernement chilien de subventionner le village afin de "marquer son territoire". Comme un peu partout en Amérique latine, il existe de nombreuses zones de conflit territoriaux à propos des frontières. Peu importe, je suis là et heureux d'y être.

Et pour finir sur une petite anecdote, je tombe nez-à-nez avec Simon dans l'auberge que j'ai choisie. Simon est un Australien que j'avais quitté autour d'une table de petit déjeuner dans mon auberge à Santiago, il y a deux mois ! Je partais, il arrivait, on avait bien sympathisé. Depuis, on a chacun fait notre route de notre côté et on est heureux de se retrouver complètement par hasard, de se raconter nos aventures et de se donner quelques recommandations pour nos suites respectives : il remonte vers le Nord, je continue vers le Sud.

La suite pour moi, ça va être de traverser la frontière avec l'Argentine. Ce sera sans doute la plus aventureuse traversée de mon périple : un bus, trois heures de bateau, cinq heures de marche, la frontière, à nouveau le bateau (ou 3 heures de marche), et un bus. Et je serai arrivé à El Chaltén. Mais ce sera pour le 4e et dernier épisode de la série.

13 mars 2013

Carretera Austral (2/4)

Dimanche matin. Des nappes de brouillard ont encore du mal à dégager complètement le fjord. Le réveil se fait en douceur, à l'odeur du pain grillé. Don Luis, le propriétaire de ce petit hospedaje (bed & breakfast version sud-américaine), est déjà aux fourneaux. Pain maison, confiture maison, œufs brouillés, un bon café. De quoi bien démarrer la journée ! D'autant que la pluie a enfin cessé. Durant le petit déjeuner, je questionne Don Luis sur la vie ici, à Puyuhuapi, avant et après la construction de la Carretera austral.

Il me raconte comment ce petit village, fondé en 1935 par des Allemands fuyant le nazisme, était complètement isolé, au fond de son fjord, attendant patiemment les bateaux d'approvisionnement tous les quinze jours ou tous les mois. On se débrouillait comme on pouvait et on était autonome. Puis la Carretera permit des approvisionnements plus réguliers. Elle a également permis l'essor du tourisme. Ce n'est pas non plus Disneyland ou La Grande Motte, mais une certaine affluence d'assoiffés de plein air et d'aventure sillonnant la route australe dans un sens ou dans l'autre, en voiture, en vélo, en camping-car, en bus, en stop. Beaucoup d'Israéliens, pas mal de Français et d'Allemands aussi, et des Chiliens du "Nord" venant à la découverte des confins de leur pays.

Et puis au moins deux Belges aussi, à ma grande joie ! Jérôme et Emilia ont décidé de s'arrêter devant mon pouce levé. Tout de suite, ils font de la place dans le monospace et Emilia s'installe à l'arrière aux côtés de leur petit Mateo, un an, une petite bouille toute blonde avec un large sourire. Après plusieurs années en mission en Afrique centrale, ils sont en attente d'un nouveau poste pour Jérôme, dans le domaine de la gestion forestière, ils sont partis tous les trois pour Santiago fin février. Ils vont sillonner la Patagonie pendant trois mois, le long de la Carretera austral côté chilien à l'aller, puis remonter depuis Ushuaïa par la Ruta 40 côté argentin.

En ce dimanche calme et paisible, mes petits pains chauds dans le sac pour midi, j'étais regonflé à bloc après ces deux nuits d'étape à Puyuhuapi. Et d'apprendre que Jérôme et Emilia allaient à la même destination et qu'ils prévoyaient une petite halte pour jeter un œil au glacier Ventisquero Colgante, j'étais comblé ! On a donc passé la journée ensemble, petite rando jusqu'au glacier le matin, route dans l'après-midi sous la pluie revenue. La route est longue pour le conducteur : la pluie et les nids de poule exigent une attention de chaque instant.

Après une très agréable journée d'échanges, on se rendra même compte qu'ils étaient tombés sur mon blog lorsqu'ils préparaient leur propre road-trip en Patagonie. Nous nous quittons à Coyhaique, capitale régionale sans grand intérêt. Je m'arrête dans un petit hospedaje un peu particulier. La propriétaire n'a jamais voulu sacrifier sa maison à la grande distribution ; résultat : le supermarché qui occupe tout le pâté de maison entoure littéralement sa maison sur trois côtés. Elle a un certain côté irréductible gauloise.


Lundi matin. La journée va être belle. C'était annoncé depuis plusieurs jours et les prévisionnistes ne se sont pas trompés. Mais je ne serais pas tout à fait Français si je ne me plaignais pas un peu : le vent ce matin est glacial. Pour éviter de mourir congelé sur le bord de la route, j'avance et lève le pouce dès qu'une voiture passe. Après quatre sauts de puce de 5 à 10 kilomètres, Daniel s'arrête pour me proposer d'aller jusqu'à ma destination du jour. Je n'y croyais plus. Deux jours de suite à plus de 200 km, belle perf' sur la Carretera austral ! Pourvu qu'ça dure... Je dois être vendredi à Villa O'Higgins, au bout de la route australe, et il me reste 350 km dans des coins encore plus reculés.

Quelques dizaines de kilomètres avant Coyhaique, le paysage a commencé à changer. Après des vallées et des fjords couverts de forêts, on arrive dans des endroits plus ouverts, plus secs aussi, moins arboré. Les couleurs sont magnifiques : le bleu et blanc du ciel légèrement nuageux, l'or de l'herbe grillée, le vert des quelques bosquets, le turquoise des lacs et rivières, le noir des sommets, le blanc des glaciers.

Ces quelques heures avec Daniel seront l'occasion de parler du projet de centrales hydroélectriques (une succession de cinq barrages) sur lequel il travaille dans la région de Cochrane un peu plus au Sud. Pour l'heure, le gouvernement a validé la construction de la centrale en tant que telle mais pas encore son raccordement au reste du réseau électrique, via une ligne à haute tension qui devra traverser cette région sauvage et difficilement accessible. L'opposition au projet est féroce. Les ONG environnementalistes dénoncent le déplacement de 19 familles et l'inondation de différents éco-systèmes impactant faune et flore. Et d'autres comme Douglas Tompkins (le fondateur américain des marques de vêtements North Face et Esprit qui acquiert de gigantesques territoires pour aider à la conservation du patrimoine naturel de la Patagonie) s'inquiètent de l'impact environnemental, esthétique et touristique.


En milieu d'après-midi, j'arrive à Puerto Río Tranquilo, sur les rives du Lago General Carrera, superbe lac bleu-vert dans cet écrin de montagnes. Je rate le tour de bateau pour aller voir les calanques mais je reste passer la nuit. Assez de route pour aujourd'hui. Je continuerai demain !

Note. En attendant le traditionnel diaporama (qui sera publié dans le dernier article de la série), vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir.

8 mars 2013

Carretera Austral (1/4)


Il est sept heures ce jeudi. Le matin a du mal à se départir des nuages accrochés aux monts environnants. Au fond d'une vallée de la Cordillère, le petit village de Futaleufú s'éveille. Des petites maisons en bois aux couleurs un peu délavées s'échappent les fumées timides des poêles à bois. Il ne fait pas si froid ; il fait surtout très humide. Penché sur mon café fumant, je jette un œil régulièrement par la fenêtre. La pluie n'a pas cessé depuis hier en fin d'après-midi. Les nuages ne connaissent pas les frontières. Mon arrivée au Chili n'y a rien changé. Au contraire, avec les entrées d'air maritime du Pacifique, je ne m'attends pas à des changements de temps dans la journée, voire même dans la semaine.

Cela fait deux jours que j'ai quitté Bariloche. En Argentine, j'ai un succès inégal en stop, mais grâce à César, Carlos et Pedro je réussis à gagner chacune des étapes prévues (Esquel en Argentine puis Futaleufú au Chili). Je me remémore les étapes en stop dans le Nord-Ouest des Etats-Unis. Le climat y est sans doute pour quelque chose. Mais le trafic est beaucoup moins dense. Côté chilien, on compte maintenant une voiture par demi-heure. Heureusement, il y a 95% de chances qu'elle s'arrête et me prenne. Résultat : le temps d'attente moyen est tout aussi bon.

Cliquer sur la carte pour l'agrandir
Au programme aujourd'hui : rejoindre la route n°7, la fameuse Carretera austral (la route australe ou la route du sud). À partir de Puerto Montt, le relief devient de plus en plus hostile aux installations humaines. Sur 1.500 kilomètres, la Cordillère des Andes se termine en une succession de montagnes, lacs, fjords, forêts impénétrables, glaciers, jusqu'à la Terre de Feu. Cette région difficile d'accès aura au moins bénéficié du "rôle positif" de la dictature du Général Pinochet : une route de terre s'enfonce jusqu'à Villa O'Higgins. Je ne pourrai pas aller plus loin et serai obligé de repasser en Argentine, à El Chaltén.

Entre Futaleufú et la Carretera austral, je suis conduit par Walter, tout heureux de me présenter la région, de me nommer lacs et ruisseaux, de me décrire les couleurs des eaux, leur transparence aussi. N'allant pas jusqu'au bout, je marche deux heures avant de rejoindre Villa Santa Lucía, sur la Carretera. En route, je croise une jeep-camping-car. De loin, je ne sais quelle intuition me persuade que ce sont des Français. Plus ils s'approchent, plus je crois reconnaître une plaque minéralogique européenne et un drapeau tricolore. Je fais signe de s'arrêter. Et là, c'est gagné, Patrice et Véronique, deux Normands (de l'Eure) souriants et enthousiastes, m'expliquent qu'ils sont sur les routes sud-américaines pour deux ou trois ans. Ayant déjà mis six mois à faire ce que je compte mettre un mois et demi à pied, je comprends qu'ils aient prévu large !

Arrivé à Villa Santa Lucía, sur la Carretera, j'imagine et espère qu'il y aura plus de trafic. Non. Je dois attendre une heure, toujours sous la pluie, avant que ne s'arrête Lucas. Tout comme les chauffeurs décident de s'arrêter ou pas, quand on fait du stop, on a une seconde et demi pour décider si on monte ou pas. Par deux fois aux Etats-Unis, je suis monté en me disant « on y va, ça devrait passer ! ». Lucas a un accent parfois compréhensible et un comportement un peu étrange. La pluie incessante et la perspective d'arriver à bon port pour la nuit me font monter. Il commence par partager son sandwich avec moi, puis sort la bouteille de Vermouth (genre de Martini). Là je commence à comprendre pourquoi j'ai du mal à tout comprendre ; alcoolisé, l'articulation n'est pas son fort. Une fois le contact allumé et les mains vissées sur son volant, Lucas s'imagine en Sébastien Loëb [le nonuple champion du monde français de rallye]. Rincé par deux jours de stop sous la pluie et le vent, je tente de ne pas voir qu'on a bien failli se manger une chèvre, la remorque d'un camion de travaux publics, l'arrière-train d'une vache et un certain nombre de fossés. Au lieu de ça, je réussis même à soustraire mon attention et m'endormir doucement au gré des nids de poule et du chauffage de la fourgonnette.

Arrivé à bon port à La Junta, j'en repars dès le lendemain matin. Patrick et Rose me déposeront ce matin à Puyuhuapi, charmant petit village au bord d'un lac, avec un petit panneau « Danger Tsunami » ... ah bah oui ! en fait, c'est le Pacifique qui arrive jusqu'au fond de cette petite vallée. Village très reculé, horizon bouché par les nuages, on a vraiment l'impression d'arriver au bout du monde, à la fin de la Terre. C'est loin, mais c'est beau ! C'est froid et humide, mais c'est l'aventure !!


6 mars 2013

Nico el Patagónico

Eh oui ! Ça y est, appelez-moi le Patagónico (ou Patagon en Français) parce que, non sans émotion, je suis arrivé en Patagonie. San Carlos de Bariloche (ou Bariloche, tout simplement) est ma première étape, en Patagonie argentine. Emotion et fierté aussi, j'avoue, d'avoir réussi à rallier l'Alaska au Grand Sud sans encombre, entier, dans les temps et (à peu près...) dans le budget. J'atteins enfin cette région ! Et c'est ce qui me meut depuis le départ : découvrir la Patagonie était l'idée originale autour de laquelle j'ai ensuite construit mon itinéraire pan-américain.


La Patagonie, c'est quoi ? c'est où ? Pour moi, c'est une terre sauvage à explorer. Pour les géographes, c'est la région la plus australe du monde, Antarctique mis à part. Pour Nicolas Hulot, c'est Ushuaïa. Pour les politiques, ce sont cinq provinces argentines et cinq régions chiliennes. Pour certains d'entre vous, ce n'est qu'une marque de vêtements. Et pour les amoureux de nature, ce sont des montagnes, des glaciers, des lacs, des sapins, des condors, des pingouins et le soleil de l'été austral qui brille encore suffisamment pour nous réchauffer... mais pour encore combien de temps ?

Je vais passer un mois et demi à descendre les 3.000 kilomètres qui me séparent encore d'Ushuaia, passant d'un côté et de l'autre de la frontière argentino-chilienne. Ma première étape, accompagné d'Aïssata et Jacky (deux très bons amis venus de France), m'a fait poser le sac-à-dos à Bariloche, sur les rives du Lac Nahuel Huapi. Et là, c'est le coup de foudre quasi instantané. Assurément je le classe parmi les plus beaux lacs du monde. Je vous laisserai le découvrir dans les photos.

Sur place, au programme, pas mal de rando, en montagne, sur les bords du lac, sur une journée, sur plusieurs jours, et généralement sous le soleil. Mais également ma première expérience de rafting (vous verrez dans la galerie de portraits, à la page Photos). De très bons restaurants avec de la viande de bœuf à tomber par terre. Et du bon vin argentin, sans surprise, jamais mauvais. Tout ça augure bien de la suite du séjour en Patagonie !



4 mars 2013

Buenos Aires

Pour tout vous dire, je bloque sur la rédaction de cet article depuis deux semaines. Je n'ai pas toutes les photos que j'aurais voulu prendre pour diverses raisons. Et je n'ai pas envie de vous abreuver d'explications en tout genre sur la ville.

Alors faisons simple, en quelques photos. Vous verrez principalement le très populaire quartier de La Boca, populaire, ancien quartier d'immigration italienne, très coloré : une fois les bateaux finis d'être peints, ils ramenaient les pots de peinture et se lâchaient sur leurs maisons. Pour les footeux, le Buenos-Airien Diego Maradona a fait un passage éclair dans le club de Boca Juniors. Enfin, c'est de là que nous avons fait route directement vers Bariloche, la porte d'entrée de la Patagonie !

Buenos Aires restera pour moi une ville à l'architecture très européenne comme je n'en avais pas encore vue depuis le début de mon voyage. Elle restera aussi la ville où j'ai accueilli Aïssata et Jacky venus de France passer quinze jours avec moi, et la ville où j'ai dit au-revoir à deux de mes plus grands amis voyageurs : Kati remontant vers le Nord et le Brésil d'où elle s'envolera pour Galway, en Irlande (via New York) et Henning qui finit son séjour sud-américain avant de rentrer à Cologne, en Allemagne. Ça aura été un vrai plaisir de les rencontrer (l'une dans les montagnes costariciennes, l'autre dans un bus pour Cuenca, Equateur) et de voyager autant avec eux.


23 février 2013

Uruguay

Rappel des épisodes précédents. Après avoir traversé le quart nord-ouest de l'Argentine en stop avec Fred, j'ai retrouvé Henning, mon pote allemand, pour une semaine au Paraguay. On a ensuite passé quelques jours dans le Sud du Brésil pour visiter les Chutes d'Iguazú. Puis nous avons pris la direction de l'Uruguay.

L'Uruguay, un nain géographique coincé entre le Brésil et l'Argentine (à eux deux près des deux tiers de l'Amérique du Sud). Il a un niveau de richesse par habitant qui le place entre le Chili et le Brésil, ce qui n'est pas rien (surtout quand on essaye de voyager pas cher!) et un bel indice de développement humain (deuxième du continent entre Argentine et Chili).

L'Uruguay, c'est la côte Atlantique (que je retrouve pour la première fois depuis Carthagène en septembre dernier), où se retrouve à la fois les vacanciers fêtards du sud du Brésil ou de l'Argentine et des pseudo-hippies à qui ça ne pose pas tant de problème que ça de devoir affronter un mode de vie si élevé. Après une nuit sous tente, juste derrière le poste frontière uruguayen, Henning et moi avons débarqué à Valizas, depuis le Sud du Brésil. On s'est pris une petite claque touristique : c'était la semaine de carnaval, donc vacances pour tout le monde, des gens de partout. On n'est resté qu'une petite journée histoire de dire qu'on a fait trempette dans l'Atlantique.

Et puis on parti pour Montevideo, la capitale du pays, sur les rives du Río de la Plata, l'immense estuaire qui baigne aussi Buenos Aires, 200 km à l'ouest. Ambiance détendue et culinaire, deux jours chez Alejandro en CouchSurfing et du temps pour flâner dans la ville vidée de ses habitants pour cause de carnaval (jours fériés le lundi et mardi gras). Montevideo, un nom étrange : les colons espagnols auraient baptisé le lieu "Monte VI De Este a Oeste" (soit « Le sixième mont d'est en ouest ») au cours de relevés topographiques. Peu importe si c'est vrai, en tout cas Montevideo a la particularité d'être la capitale la plus au sud du continent américain. Dans le monde, seules Wellington en Nouvelle-Zélande et Canberra en Australie font mieux.

Henning et moi finiront notre trop courte semaine uruguayenne dans la charmante petite ville de Colonia. Petit tour dans la plus vieille ville du pays (1680) : un bout de muraille, un mini-phare, des petites ruelles pavées, des maisons charmantes et de belles fleurs. Buenos Aires étant juste en face (enfin, 50 bornes quand même!), on a pris le bateau et débarqué dans l'immense métropole, quatre fois plus peuplée que l'Uruguay tout entier. Le contraste est saisissant. J'y ai retrouvé Aïssata et Jacky, tout juste débarqués de France et qui se joignent à moi pour deux semaines de découverte de l'Argentine.



16 février 2013

Les Chutes d'Iguazú

Bon, je vais vous laisser regarder les photos des chutes d'Iguazú. Mais juste avant, sans vouloir vous inonder (oulala ! le jeu de mots !!) voici quand même quelques infos…

On parle de chutes, ou plus techniquement de cataractes. En espagnol comme en portugais, on les appelle d'ailleurs « cataratas ». Et le nom d'Iguazú, viendrait du Guarani (langue amérindienne locale) « grandes eaux ». Original !

Loin de moi l'idée de paraphraser un ancien Président de la République devant la crue de la Garonne en 1875, mais je me suis aussi dit « Que d'eau ! Que d'eau ! » quand je suis arrivé devant les chutes. Vous me direz, après tout, ce ne sont que des chutes d'eau. Certes, mais elles sont belles, pour certaines puissantes, pour d'autres légères, mais ça fait un paquet d'eau tout ça. Je sais pas qui a compté les gouttes, mais il paraît qu'il y a 6 millions de litres d'eau qui font le grand saut chaque seconde.

Du coup, ça donne un bel ensemble de 275 cascades (de 90 mètres pour les plus hautes), joliment réparties sur un front de près de trois kilomètres (2.700 m pour être précis). Et le petit homme que je suis, accompagné de centaines de ses congénères, peut circuler de manière assez fluide (osons le terme) le long ou au-dessus de ces impressionnants rideaux d'eau, côté argentin un jour, côté brésilien le lendemain.

C'est à ce moment-là qu'on insère un petit point géographie. Les chutes sont situées sur le Río Iguazú, qui matérialise la frontière entre le Brésil et l'Argentine. Le méandre, et donc les chutes, ont une forme de J inversé dont l'orientation à cet endroit du fleuve attribue techniquement 80% des chutes à l'Argentine. Des deux côtés, les parcs nationaux créés pour protéger ce site naturel exceptionnel sont classés au Patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1984 (Argentine) et 1987 (Brésil). Et on n'est pas très loin non plus de la Triple frontière entre Argentine, Paraguay et Brésil.

Enfin, à titre de comparaison, les chutes de Niagara à la frontière entre les Etats-Unis et le Canada s'étalent sur un peu plus d'un kilomètre (320m côté US et 790 côté canadien) pour une cinquantaine de mètres de haut sont donc moins importantes. En revanche, les chutes Victoria (entre Zambie et Szimbabwe) sont plus hautes qu'à Iguazú : environ 110 mètres, mais sur 1700 mètres uniquement.

D'Iguazú, Henning et moi avions prévu de rallier la côte uruguayenne, via le Sud du Brésil. On a passé deux jours à Porto Alegre chez Betsy et Enderson. Deux couchsurfeurs (elle américaine, lui brésilien) super sympas, dans cette ville tranquille, avec plein de parcs. Puis tranquillement passé la frontière sur la côte. Grosses distances, toujours autant d'insuccès en stop. Pour ça, vivement le retour en Argentine ! Cela dit, on est content de retrouver l'océan Atlantique.



11 février 2013

Inattendu Paraguay

Aux lecteurs de la première heure, je dois une petite explication. En effet, le Paraguay ne figurait pas dans ma liste des pays à découvrir. Pire, j'étais même suffisamment condescendant pour le considérer comme un pays "inutile", où il n'y avait pas grand chose à faire ni à voir.

Tout ce que je connaissais du Paraguay, c'était le nom de sa capitale (Asunción pour les intimes, Nuestra Señora Santa María de la Asunción pour les puristes !) et le fait qu'en juin dernier la droite avait habilement masqué en destitution ce qui n'était en fait qu'un coup d'Etat pour se débarrasser de l'ancien évêque que le pays avait porté à la présidence il y a quatre ans. Forcément, avec ce niveau de connaissance, il ne me restait que mes préjugés sur lesquels baser mon opinion.

Je me suis alors rappelé les avis de trois cyclistes normands (La Très Grande Boucle) avec qui j'avais correspondu quand j'étais à Portland (Oregon, USA) en mars dernier. Mon ex-collègue et néanmoins pote Antoine m'avait également vanté tout l'intérêt d'aller voir un peu ce qui se passe de l'autre côté du Río Paraguay. Pour finir, Nina et Steve avec qui j'ai partagé un 4x4 fin décembre pour découvrir le Lípez et le Salar d'Uyuni (Bolivie) avaient fini par me convaincre que je passais à côté de quelque chose si je n'ajoutais pas ce pays à ma liste déjà bien fournie.

Enfin les circonstances ont fait que deux très bons amis ont prévu de me rendre visite en Argentine à partir de mi-février. Du coup, entre le départ de mes parents à Santiago et leur arrivée à Buenos Aires, il me restait trois grosses semaines à "meubler". Se sont donc petit à petit profilés un séjour en Uruguay, puis un détour par les chutes d'Iguazú et pour finir une semaine au Paraguay. Pour des raisons évidentes de géographie, j'ai bien sûr inversé l'ordre.

J'ai donc passé une semaine au Paraguay, où je quittais Fred avec qui j'avais traversé en stop le quart nord-ouest de l'Argentine et où je retrouvais Henning, mon compagnon de voyage de novembre et décembre (Pérou-Bolivie). Et au final, tout comme le Panama, j'ai été conquis par le Paraguay et me suis promis de ne plus faire le petit merdeux qui croit savoir et se permet de juger sans connaître.

Et puisqu'il n'y avait soi-disant pas tant de chose à faire, qu'ai-je finalement pu inscrire à mon programme ? Plein de choses ! J'ai commencé par visiter Asunción. C'est un doux mélange d'architecture coloniale décrépie et de bâtiments tout droit sortis des années 1960-70 à l'esthétique toute discutable. C'est une douce atmosphère de tranquillité malgré la taille de la métropole. Ce furent deux nuits dans une pension familiale recommandée par Antoine et dont la gentille gérante était aussi bavarde qu'intéressante. Et enfin, ce furent les empanadas jamón y queso (chaussons fourrés au jambon et fromage), plaisir gourmand dont on a su abuser sans honte et sans modération.

A Asunción, j'ai également rencontré Rosa, une personnalité intéressante recommandée par ma copine Emilie. Rosa a ouvert l'espace culturel féministe La Serafina il y a huit ans. C'est avant tout un lieu et une association destinés à venir en aide aux lesbiennes (et dans une moindre mesure aux gays et aux transsexuel-le-s). Mais c'est aussi une structure qui milite pour la défense des droits des lesbiennes, dont l'action a été récompensée en décembre 2011 par l'attribution du prix des droits de l'Homme de la République française (remis par Alain Juppé à l'époque). Echange intéressant sur la situation et les droits des personnes homosexuelles au Paraguay, tout particulièrement quand on les met en perspective avec le débat qui agite la France à propos du « mariage pour tous ».

Avec Henning, on avait conclu d'aller faire un tour dans les communautés mennonites du Chaco paraguayen, l'immense région du Nord-Ouest. Mennonites ? Oui, c'est un groupe religieux originaire du Nord de l'Allemagne et des Pays-Bas, suivant les préceptes d'un certain Menno Simons (1496-1561). Les Mennonites du Chaco se sont installés là en 1930, après avoir été chassés de la Russie communiste (où la liberté religieuse avait disparue). Dans cette région particulièrement aride et inhospitalière, ils vivent principalement de l'élevage bovin (pour le lait et la viande) et un peu de culture (cacahuètes et sésame). La communauté se divise en trois colonies d'une quinzaine de villages chacune. Au début, environ 25 familles composaient un village. Aujourd'hui, ils sont 18.000 à vivre dans le Chaco paraguayen. Ils parlent un allemand dialectal (le Plattdeutsch) et ont leur propre système éducatif, en allemand et espagnol, agrémenté par l'Etat paraguayen. La raison de leur implantation ? Les Mennonites recherchent généralement des lieux où ils peuvent à la fois être garantis de liberté religieuse et en même temps bénéficier d'une certaine autonomie vis-à-vis de l'Etat accueillant. Vu l'isolement du Chaco, on peut facilement comprendre que la région remplissait leur critère. Ainsi des années durant, les Mennonites étaient exemptés de service militaire (aboli désormais au Paraguay), ne payaient pas d'impôts et n'obéissaient à aucune autorité administrative paraguayenne. Comment fait-on pour survivre dans un tel environnement s'il est si peu hospitalier ? On se dote d'abord d'une devise : « Gemeinnutz vor Eigennutz » (« L'intérêt général avant l'intérêt personnel »). Et ensuite plus concrètement, on crée des coopératives, on s'entraide, on est discipliné et on a tous le même idéal. Et visiblement, ça marche ! Là encore, bien content d'avoir un peu plongé dans cet univers que je ne connaissais que de nom et que j'entourais encore d'images d'Epinal, du type les gens vivent et s'habillent comme au XVIIIe siècle, etc. Non, non, on ne parle pas des Amishs et les Mennonites sont juste des hommes et femmes blancs qui parlent Allemand au cœur de l'Amérique du Sud !

On a réussi à revenir en stop jusqu'à Asunción, ce qui nous a laissé croire naïvement qu'on pourrait facilement continuer en stop pour découvrir le sud du Paraguay. Que nenni ! C'est un mode de déplacement qui n'est pas si répandu que ça. Les automobilistes nous adressaient en retour des signes bizarres, genre « oui oui tout va bien, merci ! » en levant à leur tour le pouce, quand ils ne levaient pas un autre doigt ! On a donc fini par monter dans un bus après avoir (beaucoup (trop !) ) attendu au bord de la route.

On a visité une ancienne mission jésuite à Trinidad. Plutôt que de me répéter, je vais paresseusement vous suggérer de relire l'article passionnant que j'avais rédigé sur leurs homologues boliviennes. Quelques différences cependant. Par exemple, là, les églises n'étaient pas en bois mais de pierre.

Enfin, on a fini par la visite du barrage d'Itaipú (les chutes d'Iguazú ne sont pas loin mais c'est pas pareil). Pendant 30 ans, ce fut le plus gros barrage du monde avant l'entrée en service du barrage des Trois-Gorges en Chine en 2009. Le barrage est construit sur le Río Paraná qui sépare le Paraguay du Brésil. Un traité signé entre les deux pays en 1973 répartit les 20 turbines pour moitié au Paraguay et pour moitié au Brésil. Mais comme deux turbines suffisent à satisfaire 80% de la demande d'électricité du Paraguay, celui-ci loue ses huit autres au Brésil qui peut ainsi satisfaire un quart de ses besoins en électricité avec 18 turbines. Et ce ne sont pas de petites turbines ! La puissance du barrage est équivalent à dix fois le débit des chutes d'Iguazú (dont vous verrez les photos très bientôt).

Ce que j'ai aimé dans ce pays au final ? D'abord le fait qu'il y ait très peu de touristes ou de voyageurs. Ensuite que les gens sont super sympas et très accueillants (sauf pour faire du stop). Puis le pays est beau : aride et plat dans l'immense région nord, plus vallonné et vert (avec une terre très rouge) dans le sud. Qu'on se le dise, les villes sont assez moches. Et enfin, dernier préjugé, le Paraguay n'est pas un pays pauvre, pas super riche non plus mais plutôt bien développé, le niveau de vie est assez élevé et les gens semblent heureux d'y vivre. J'ai enfin fini par le comprendre !