Mardi.
Une nouvelle journée démarre... un peu tard. J'ai mal dormi, il a
fait froid cette nuit. Peu importe. À dix heures, je vais acheter
mes petits pains pour mes sandwiches. Je rencontre deux Français.
Une bonne nouvelle, une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que ça
fait deux heures qu'ils essaient de faire du stop, sans succès. La
bonne, c'est que j'ai bien fait de ne pas me lever si tôt
finalement !
Ils
abandonnent l'idée de faire du stop et vont prendre le bus de la
mi-journée. Je me mets en route, en attendant le passage d'une
voiture (ou au pire, du bus). Au bout de deux heures de marche le long
du lac, une seule voiture est passée. Et elle était pleine. Mais un
camion finit par s'arrêter. Milton transporte de la terre pour
l'entretien de la route australe, à quelques kilomètres de là. Il
me propose de m'avancer. J'accepte, en me disant que de toute façon
le bus n'est pas encore passé, alors autant avancer. On discute
travaux sur la Carretera,
camion, football, etc. Quand je le quitte, un livreur (à
l'inverse, très peu bavard!) m'emmène jusqu'à Cochrane. Je suis
content. Et comme je suis un chanceux insolent, j'ose encore tenter
ma chance. C'est du bonus, je ne suis pas en retard sur mon
programme, mais j'ai envie d'avancer, et d'essayer d'aller visiter
Tortel. Quinze minutes d'attente et Carles, Rosario et Esteban
arrêtent leur jeep. Après avoir fait de la place, ils s'excusent
presque en m'annonçant qu'ils vont à Tortel et non pas plus loin !
Tortel,
lieu unique. Une passerelle en bois le long du fjord, d'autres qui
remontent les pentes et mènent aux maisons. Tout un petit village de
bois, de rues en bois, de maisons en bois. On est loin de tout. Le
village est connecté au réseau de téléphonie mobile depuis 6 mois
seulement. C'est assez drôle parce que tout le monde se balade avec
son téléphone portable, comme des enfants exhibant leurs nouveaux
jouets. Sinon la radio VHF est toujours très utilisée pour
communiquer de maisons en maisons. L'électricité vient du Nord. Et
le village est raccordé à la Carretera Austral par un petit
chemin de terre de 25 km. Comme vous le voyez, de très minces
connexions au monde extérieur.
Le
lendemain, mercredi, je marche à nouveau près de trois heures avant que, à
nouveau, un camion de chantier ne s'arrête. Je traverse en bateau le
Río Bravo. Arrivé en face, il reste 100 km avant Villa O'Higgins.
Mais plus j'avance sur cette Route du Sud, moins il y a de véhicules.
Normal, c'est un cul-de-sac. A Tortel, j'aurais peut-être dû
profiter du départ des 5 Jeeps que je croise régulièrement depuis
trois jours (et dont je suis plutôt fier de réussir à suivre le
rythme). Mais ça aurait été trop facile ! Je me prépare donc
à camper là, au milieu de nulle part, et à attendre le passage du
bus le lendemain après-midi. Mais coup de chance ! Alors que
toutes les voitures du bac me semblaient pleines, la dernière à
sortir du bateau me fait signe. La baraka chilienne jusqu'au bout !
Ils vont à Villa O'Higgins.
J'arrive
donc à Villa O'Higgins, au bout de la Carretera Austral. Depuis
Bariloche, il m'aura fallu 8 jours de stop pour couvrir ces 1.400
kilomètres. Là encore, à Villa O'Higgins, on est loin de tout. À
500 kilomètres de la grande ville par une route en terre, à une
journée à pied du village d'El Chaltén en Argentine. Pas de fjord
pour un accès en bateau mais un petit aérodrome. Je soupçonne le
gouvernement chilien de subventionner le village afin de "marquer
son territoire". Comme un peu partout en Amérique latine, il
existe de nombreuses zones de conflit territoriaux à propos des
frontières. Peu importe, je suis là et heureux d'y être.
Et
pour finir sur une petite anecdote, je tombe nez-à-nez avec Simon
dans l'auberge que j'ai choisie. Simon est un Australien que j'avais
quitté autour d'une table de petit déjeuner dans mon auberge à
Santiago, il y a deux mois ! Je partais, il arrivait, on avait
bien sympathisé. Depuis, on a chacun fait notre route de notre côté
et on est heureux de se retrouver complètement par hasard, de se
raconter nos aventures et de se donner quelques recommandations pour
nos suites respectives : il remonte vers le Nord, je continue
vers le Sud.
La
suite pour moi, ça va être de traverser la frontière avec
l'Argentine. Ce sera sans doute la plus aventureuse traversée de mon
périple : un bus, trois heures de bateau, cinq heures de
marche, la frontière, à nouveau le bateau (ou 3 heures de marche),
et un bus. Et je serai arrivé à El Chaltén. Mais ce sera pour le
4e et dernier épisode de la série.
Ton récit en 3 épisodes est assez haletant. En effet, on se demande de plus en plus comment tu vas arriver au bout de ton « périple », s’il y a de moins en moins de monde sur les routes et dans les villes ou gros villages.
RépondreSupprimerCe qui est bien c’est que, malgré tout, tu arrives encore à retrouver des personnes avec qui tu avais fait un bout de chemin, quelques semaines ou quelques mois avant.
Continue toujours à nous alimenter en photos toutes plus belles les unes que les autres.
On rêve de voir tous ces paysages de lacs et de montagnes qui s’amusent les uns avec les autres dans de superbes vues.
Si j’ai bien compris, nous n’avons pas encore tout vu … et toi aussi d’ailleurs.
Bonne suite de voyage.