24 mai 2012

De l'eau en plein milieu du désert

Aller à la cuisine, ouvrir le robinet et se servir un verre d'eau. On oublie souvent la chance qu'on a d'avoir l'eau courante. L'accès à l'eau est un bien précieux, qui ferait de nous des multimillionnaires si on avait une autre échelle de valeur que la seule valeur marchande. En effet, plus de 900 millions de personnes sur Terre n'ont pas accès à l'eau potable et plus de 2 milliards et demi n'ont pas accès à un système d'assainissement amélioré (entrainant maladies et mortalité élevée).

Dans des régions désertiques comme peut l'être l'Arizona, on sait la valeur de l'eau. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Les rivières ont été asséchées au cours du dernier siècle et les nappes phréatiques ont dramatiquement diminué. La raison principale ? Une consommation d'eau pour l'agriculture et l'élevage excessive par rapport à ce que la nature peut offrir en termes de précipitations et de réserves souterraines. Dans un passé plus lointain, les premiers peuples d'Amérique se déplaçaient au gré des sécheresses et bâtissaient leurs axes de communication le long des cours d'eau.

Dès le début des années 1920, les sept Etats du bassin du Colorado (Wyoming, Utah, Colorado, Nouveau Mexique, Arizona, Nevada, Californie) se sont mis d'accord sur les quantités que chacun pourrait y prélever. S'en est suivi la construction de deux barrages dans le bassin du Colorado : le Powell Dam pour la partie supérieure et le Hoover Dam pour la partie inférieure. Mais l'Arizona s'est vite rendu compte que l'accès au Lac Mead (au niveau du Hoover Dam, au Nord de l'Etat) ne suffirait pas. Il a alors été décidé de construire un canal qui approvisionnerait en eau le Sud de l'Etat (en particulier les régions de Phoenix et Tucson). Le canal à ciel ouvert parcourt le désert sur 540 km. Quelque 15 stations de pompage permettent à l'eau d'arriver jusqu'au bout, à Tucson, située à plus de mille mètres au-dessus du niveau du Colorado.

Ainsi l'Arizona consomme son quota d'eau du Colorado tout en le distribuant plus également sur l'ensemble de son territoire. Ce canal nommé Central Arizona Project (que Mitch m'a fait visiter) permet ainsi de limiter le pompage des nappes phréatiques. Environ 1/3 des eaux du canal est utilisé par les villes et 1/3 par l'agriculture. Le 1/3 restant est utilisé en partie par les réserves indiennes ; le surplus étant soit stocké soit reversé dans les nappes phréatiques pour les restaurer.


Bien sûr la capacité d'accueil et d’expansion des villes est mise en question. Mais personne dans la région n'ose avancer de chiffres. Quand faudra-t-il dire « stop ! on ne peut plus accueillir plus de monde parce qu'on n'aura pas assez d'eau pour tous » ? La question (et la réponse !) est éminemment politique. Du coup l'accent est davantage mis sur l'éducation, la récupération des eaux de pluie (parce qu'il y a quand même une saison de mousson en juin-juillet), la limitation du gaspillage, le recyclage. Par exemple, toutes les eaux usées de Phoenix servent à alimenter les circuits de refroidissement de la centrale nucléaire de Palo Verde, située en plein désert à 80 km à l'Ouest. Tucson de son côté a plus de marge de progression puisque pour l'instant seuls 35% des eaux sont recyclées.


Et pour l'avenir ? La question principale reste à savoir si les villes vont continuer à s'agrandir. Ensuite il faudra peut-être repenser l'agriculture de la région, sans doute arrêter la culture du foin et du coton (l'Arizona cultive suffisamment de coton pour fabriquer plus d'un jean par an pour chaque habitant des Etats-Unis). Il sera alors temps de la réorienter vers des cultures moins consommatrices en eau : le « dry farming » (l'aridoculture) qui permet la culture non irriguée en sol aride a prouvé son efficacité, en Afrique par exemple mais également en Espagne.

Pour aller plus loin sur la question de l'eau, vous pouvez également lire Combien d'eau y a-t-il sur Terre?, article intéressant de Pierre Barthélémy sur son blog, Passeurs de sciences.

1 commentaire:

  1. Merci pour cette piqûre de rappel !
    Nous penserons à toi en ouvrant notre robinet ...
    Ici, nous sortons d'une période très, très pluvieuse et notre déficit hydrométrique semble s'éloigner.
    Bonne continuation

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