Aller à la cuisine, ouvrir le robinet et se servir un verre d'eau.
On oublie souvent la chance qu'on a d'avoir l'eau courante. L'accès
à l'eau est un bien précieux, qui ferait de nous des
multimillionnaires si on avait une autre échelle de valeur que la
seule valeur marchande. En effet, plus de 900 millions de personnes
sur Terre n'ont pas accès à l'eau potable et plus de 2 milliards et
demi n'ont pas accès à un système d'assainissement amélioré
(entrainant maladies et mortalité élevée).
Dans des régions désertiques comme peut l'être l'Arizona, on sait
la valeur de l'eau. Mais ça n'a pas toujours été le cas. Les
rivières ont été asséchées au cours du dernier siècle et les
nappes phréatiques ont dramatiquement diminué. La raison
principale ? Une consommation d'eau pour l'agriculture et
l'élevage excessive par rapport à ce que la nature peut offrir en
termes de précipitations et de réserves souterraines. Dans un passé
plus lointain, les premiers peuples d'Amérique se déplaçaient au
gré des sécheresses et bâtissaient leurs axes de communication le
long des cours d'eau.
Dès le début des années 1920, les sept Etats du bassin du Colorado
(Wyoming, Utah, Colorado, Nouveau Mexique, Arizona, Nevada,
Californie) se sont mis d'accord sur les quantités que chacun
pourrait y prélever. S'en est suivi la construction de deux barrages
dans le bassin du Colorado : le Powell Dam pour la partie
supérieure et le Hoover Dam pour la partie inférieure. Mais
l'Arizona s'est vite rendu compte que l'accès au Lac Mead (au niveau
du Hoover Dam, au Nord de l'Etat) ne suffirait pas. Il a alors été
décidé de construire un canal qui approvisionnerait en eau le Sud
de l'Etat (en particulier les régions de Phoenix et Tucson). Le
canal à ciel ouvert parcourt le désert sur 540 km. Quelque 15 stations de pompage permettent à l'eau d'arriver jusqu'au bout, à
Tucson, située à plus de mille mètres au-dessus du niveau du
Colorado.
Ainsi l'Arizona consomme son quota d'eau du Colorado tout en le
distribuant plus également sur l'ensemble de son territoire. Ce
canal nommé Central Arizona Project (que Mitch m'a fait visiter) permet ainsi de limiter le pompage des nappes phréatiques. Environ 1/3
des eaux du canal est utilisé par les villes et 1/3 par
l'agriculture. Le 1/3 restant est utilisé en partie par les réserves
indiennes ; le surplus étant soit stocké soit reversé dans
les nappes phréatiques pour les restaurer.
Bien sûr la capacité d'accueil et d’expansion des villes est mise
en question. Mais personne dans la région n'ose avancer de chiffres.
Quand faudra-t-il dire « stop ! on ne peut plus accueillir
plus de monde parce qu'on n'aura pas assez d'eau pour tous » ?
La question (et la réponse !) est éminemment politique. Du
coup l'accent est davantage mis sur l'éducation, la récupération
des eaux de pluie (parce qu'il y a quand même une saison de mousson
en juin-juillet), la limitation du gaspillage, le recyclage. Par
exemple, toutes les eaux usées de Phoenix servent à alimenter les
circuits de refroidissement de la centrale nucléaire de Palo Verde,
située en plein désert à 80 km à l'Ouest. Tucson de son côté a
plus de marge de progression puisque pour l'instant seuls 35% des
eaux sont recyclées.
Et pour l'avenir ? La question principale reste à savoir si les
villes vont continuer à s'agrandir. Ensuite il faudra peut-être
repenser l'agriculture de la région, sans doute arrêter la culture
du foin et du coton (l'Arizona cultive suffisamment de coton pour
fabriquer plus d'un jean par an pour chaque habitant des
Etats-Unis). Il sera alors temps de la réorienter vers des cultures
moins consommatrices en eau : le « dry farming »
(l'aridoculture) qui permet la culture non irriguée en sol aride a
prouvé son efficacité, en Afrique par exemple mais également en
Espagne.
Pour aller plus loin sur la question de l'eau, vous pouvez également
lire Combien d'eau y a-t-il sur Terre?,
article intéressant de Pierre Barthélémy sur son blog, Passeurs de
sciences.
Merci pour cette piqûre de rappel !
RépondreSupprimerNous penserons à toi en ouvrant notre robinet ...
Ici, nous sortons d'une période très, très pluvieuse et notre déficit hydrométrique semble s'éloigner.
Bonne continuation