11 avril 2012

Rencontres sur la côte Pacifique

Un originaire du Monténégro, une mère en vacances avec son fils, deux baba-cools londoniens, deux Belges tout juste diplômés. Quelle relation entre toutes ces personnes ? Aucune, si ce n'est d'avoir croisé leur route, le long de la côte Pacifique des Etats-Unis.

Je savais que j'allais prendre beaucoup de plaisir entre Portland et San Francisco. D'abord parce que la côte est belle, sauvage, légèrement lugubre si la météo est moins bonne, très peu peuplée, et très bien préservée. Mais c'est aussi une de ces régions des Etats-Unis où on croise beaucoup de personnes très … cool !

Il y a eu David, originaire du Monténégro. Je faisais du stop au coin d'une rue de Portland et on a commencé à discuter, de tout, de rien, mais surtout de la pluie qui tombait. Au final, il m'aura invité prendre un café chez lui, indiqué une meilleure route pour atteindre mon étape suivante, préparé mon panneau pour faire du stop, et discuté un bon moment de l'ex-Yougoslavie. À une autre époque il avait rencontré plusieurs fois et interviewé le criminel de guerre Radovan Karadzic (qu'il appelle toujours Radovan et qu'il considère comme son ami). Improbable rencontre !

Janna et Tyler me sont passés devant en voiture. Cinq minutes après, ils me repassaient devant mais pour s'arrêter cette fois. En vacances sur la côte, ils ont trouvé que j'avais une bonne tête et ont décidé de me prendre en stop finalement. Bonne pioche pour moi puisqu'ils étaient aussi peu pressés que moi. On a donc pris quelques détours pour faire les touristes, voir un phare, un cap, observer des baleines au loin, randonner un peu, avant de me déposer chez mes hôtes du jour, ceux-là mêmes que vous avez découverts dans l'article sur Pacific City.

Seth, un autre hôte sur la côte, m'a fait découvrir ses talents de cuisinier végétarien et de jolis coins en dehors de la ville, et fait partager des soirées sympas avec ses potes de Lincoln City. Sans ça, il y a fort à parier que cette ville triste et sans caractère ne m'aurait pas laissé un souvenir impérissable.

Puis Michael, allemand d'origine, installé aux Etats-Unis depuis un bon nombre d'années et avec qui j'ai fait un petit bout de chemin. Une vie simple à base de surf et de voyages. Dans les jours qui viennent, il part en Inde quelques mois.

J'ai croisé Lesanna sur un pont à Newport. Un de ces grands ponts métalliques en treillis dont l'Ouest américain est truffé. J'arrivais sur l'autre rive quand on s'est croisés. Elle, poussant son vélo ; moi, sac au dos légèrement décoiffé par le vent. Je lui ai juste conseillé de bien tenir son vélo dans le vent. Visiblement ça l'a effrayé. Du coup on a commencé à discuter, sur ce pont, sur ce trottoir réduit à deux mètres des voitures qui passent à toute vitesse. Grande voyageuse elle aussi, on a parlé de nos périples respectifs. Après quoi on a décidé de diner ensemble avec son collègue Andy, biologiste également à l'Aquarium de Seattle. Et au final, elle n'aura jamais traversé ce pont en vélo pour aller voir le phare sur l'autre rive.

Il était tôt ce matin-là. Et il pleuvait comme jamais. Sous mon poncho pour faire du stop (pas trop le choix!) je savais mes chances de succès assez minces. Mais Kirk a eu pitié. Un jeune de 20 ans qui rentrait de son boulot de nuit. Et je pense qu'en se couchant ce matin-là, il a rêvé de voyages. Il en rêvait déjà quand on parlait de ses envies et de mon périple.

Micah lui s'est arrêté parce qu'il s'est dit en me voyant qu'il craignait pas grand-chose. Il est vrai que l'idée-même de vouloir m'opposer à lui est déjà en soi une très bonne blague. Imposant donc, mais tellement sympa. Arrivé à Florence, où il travaillait, il appelle Christine, sa femme, pour qu'elle nous rejoigne et m'invite à déjeuner. Autour d'un bon vrai hamburger américain, on a parlé de la France (où Christine a vécu quelques mois étant plus jeune), de leurs six enfants, de l'Oregon, de mon voyage et de leur ancien élevage de bisons.

D'habitude je suis vigilant et je "trie" les voitures dans lesquelles je sens que je peux monter... ou pas. Il est arrivé trois ou quatre fois que je refuse poliment quand je trouve la/les personne(s) un peu... étrange(s). Quand Lucio a débarqué avec son camping-car débordant de fringues entassés, de matelas débordant sur les sièges avant, de vieux paquets de fast-food, et de couvertures pour le chien sur le siège passager, je sais pas ce qui m'a pris mais je suis monté. Et finalement, Lucio est un type formidable. Un vrai hippie, c'est tout.

Ce soir-là, j'ai déniché un petit camping gratuit à Winchester Bay. Il faut dire, une tente et un sac à dos, ça consomme pas beaucoup d'eau ni d'électricité comparé à mes camping-cars de voisins (qui sont en réalité des camping-bus avec une remorque à l'arrière). Je rigolais seul de cette disproportion de nos façons de voyager quand Ed m'a demandé s'il n'avait pas écrasé ma tente en reculant. Quel blagueur ! Et là tout s'est enchainé : apéro avec son copain Mike lui aussi shérif de son état, puis diner mexicain avec l'ensemble des occupants des trois autres camping-bus (toute une bande de vrais shérifs avec leur ados). Et le lendemain matin, café chaud avant de reprendre la route.

Gary, elle aussi a fait demi-tour, après en avoir discuté avec Chris, son locataire, avec qui elle rentrait à Bandon après leurs courses. Un côté très zen, de longs cheveux blancs, de larges lunettes de soleil, laissaient l'imaginer dans les années 70. Tellement sympa, qu'elle a même insisté pour m'emmener directement à Port Orford en me proposant un véritable petit tour dans des endroits que je n'aurais jamais découverts si j'avais tracé tout droit.

Arrivé à destination, Kathy m'a accueilli avec tellement d'enthousiasme et de dynamisme qu'elle m'a rappelé une autre arrière-grand-mère que je connais. On a marché sur la plage, longé la falaise, visité un phare, cru apercevoir des baleines au loin. J'ai fait sécher ma tente dans son salon, elle m'a préparé un délicieux petit-déjeuner, on a remarché, avant qu'elle ne m'accompagne elle-même à mon étape suivante. Un grand moment de partage.

Rob et Dave sont deux Londoniens débarqués dans l'Oregon il y a une vingtaine d'année avec leurs parents. Ils y sont toujours. Eux aussi prennent la vie telle qu'elle se présente, et tout va bien. Ils vivent d'un tas d'occupations à côté de leur petite imprimerie. Leur maison à Brookings est un assemblage de mille et une choses loufoques dont je n'aurais jamais imaginé qu'on puisse un jour oser les associer à l'intérieur d'un même espace : un mini-rotative pour impression, une guirlande lumineuse de Noël, des planches de surfs, un canapé immense, tout un tas d'instruments de musique, un mur recouvert de toile de jute pour déco, un autre de papier journal, un bananier, et j'en passe.

Au dehors, Leon était là. J'ai discuté avec lui une bonne heure. Très intriguant, Leon (pas de photo malheureusement). Ça a commencé avec sa théorie des événements cataclysmiques (type tsunami ou tremblement de terre) téléguidés par l'Homme. Une puissance obscure qui chercherait à augmenter son pouvoir en atomisant certaines communautés à coup de catastrophe naturelle. Et puis il y a eu tout un refrain sur le changement climatique. Là j'ai quand même exprimé mon point de vue. Et le 11-septembre. Et d'autres après. Mais tout ça dans la bonne humeur.

Au café le lendemain avec Dave (photo ci-dessus), j'ai rencontré Deanne qui m'a proposé de m'accompagner jusqu'à la frontière californienne, puis jusqu'à une autre ville. On a fini par passer chez elle quand elle a vu mon intérêt pour son projet de Bed & Breakfast avec une partie jardin potager. Un côté « Accueil paysan » ou « Bienvenue à la ferme » qui m'a beaucoup plu. Et au final, elle m'a emmené visiter les impressionnants Redwoods, ces arbres immenses au tronc cylindrique long et au feuillage perché à près de 100 mètres au-dessus du sol.

Deux Belges en voyage post-diplôme de fin d'étude, ça donne quoi ? Ça donne un road-trip de 4 ou 5 mois en voiture autour des US, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Ça donne aussi quelques sourires quand j'ai su qu'ils avaient eu du mal à trouver la côte Pacifique, qu'ils avaient perdu le double de leur clé de voiture, qu'ils avaient cramé la batterie de la même voiture parce qu'ils avaient écouté la musique en s'endormant dedans. Des anecdotes de voyage, ils en ont ! Et ce n'est pas une blague. Et on a pris notre temps, on a campé, on a cuisiné au feu de bois, on a fait nos touristes. Et ça, ça n'a pas de prix !

Mike, lui, m'a proposé de me déposer cinq kilomètres plus loin. J'ai accepté. Je lui ai dit que je cherchais à aller à un camping gratuit le long de la côte. Il m'a suggéré un endroit pas loin de là où il m'a déposé, comme plan B au cas où personne d'autre ne s'arrêterait. Au final, c'est lui cinq minutes après qui s'est arrêté à nouveau et m'a proposé son jardin comme camping gratuit. Une vraie garden party ! Et avec sa femme Eve et lui, j'ai passé deux très belles soirées à cuisiner et discuter.

De belles rencontres. Et pour ceux/celles qui me tannent pour une photo de moi, voilà !

Bon, je vais peut-être m'arrêter là. Il y en a eu tant d'autres. Et il y aurait plus du double à écrire sur tous les chiens, chats, lamas, et autres animaux domestiques que j'ai croisés mais ce serait moins intéressant. Vous retrouverez tous ces visages dans la galerie de portraits sur la page "Photos" (et remise ici aussi). Et pour les paysages, attendez encore quelques jours que je sois arrivé à San Francisco pour tout mettre d'un coup.



4 commentaires:

  1. Que de belles rencontres et de beaux portraits Nico, c'est passionnant !!

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  2. Merci pour tous ces portraits !!!! très bons résumés! A chaque fois je me dit : il est quand même impressionnant ce nico ;-) !
    ET MERCI pour la photo de toi !!!!
    Dans l'attente de te lire !

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  3. Quelle belle mosaïque de rencontres !
    Bravo pour ton talent de conteur.
    A +

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  4. Lucio a trop la classe avec ses housses de sièges "Hello Kitty" !!

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