24 mars 2013

El Chaltén, Ruta 40 et Perito Moreno

El Chaltén, autoproclamé village le plus jeune d'Argentine, a été fondé en octobre 1985. Le gouvernement argentin avait la vision stratégique à peine dissimulée d'occuper cette région géographique où les frontières font encore aujourd'hui l'objet de désaccords. En fait, ici même, Chili et Argentine sont d'accord sur le fait qu'il y a un désaccord. C'est déjà ça !

Petit village de 1.000 habitants hors touristes, El Chaltén se fait aussi modestement appeler Capitale nationale du Trekking (randonnée, en anglais). Bon, d'accord, il y a de très belles balades à faire aux alentours, au pied des monts Fitz-Roy et Torres, sur une journée ou sur plusieurs. Fitz-Roy, quel drôle de nom ? Pas très hispanique tout ça ! En fait, ce piton rocheux fut baptisé en l'honneur de Sir Robert Fitz-Roy (1805-1865), commandant du HMS Beagle qui a remonté le Río Santa Cruz en 1834 et cartographié une bonne partie de la côte patagonne.

Après quelques jours à El Chaltén, je reprends la route : la Ruta 40, l'équivalent de la Carretera Austral côté argentin. La route est meilleure, asphaltée, mais absolument aucun petit village, au contraire du Chili. C'est un vrai désert, une plaine balayée par les vents, de grandes étendues d'herbe grillée. Par exemple entre El Chaltén et El Calafate (étape suivante), il y a plus de 200 km, avec juste une petite auberge-restaurant entre les deux. Tout de suite, c'est plus difficile de trouver du monde pour faire du stop. Soit, prenons le bus alors.

À El Calafate, pas grand-chose (en fait, rien) à faire. L'endroit est mort. Sans mauvais jeu de mots, c'est d'ailleurs là qu'est décédé l'ancien président Nestor Kirchner (le mari de la présidente actuelle). A part d'apprendre ça, je suis allé à 75 km de là visiter le fameux glacier Perito Moreno. Vous voulez aussi savoir d'où vient le nom ? Perito, qui signifie spécialiste ou expert en espagnol, est un terme souvent utilisé pour qualifier Francisco Moreno (1852-1919), directeur du musée de la Société scientifique argentine et grand explorateur de la région australe de l'Argentine (et qui joua un rôle important pour la défense du territoire argentin dans le conflit frontalier qui l'oppose au Chili. Tiens donc, encore !). Petit clin d'oeil, c'est également lui qui a établi le scoutisme et le guidisme en Argentine.

Le glacier présente un front curviligne de 5 km pour une hauteur moyenne de 75 mètres au dessus du lac Argentino, soit l'équivalent d'une rangée d'immeubles de 25 étages qui irait de l'Arc de Triomphe et l'Hôtel de Ville de Paris. Et le glacier remonte jusqu'à 30 km à l'intérieur des terres, couvrant ainsi plus de 250 km2. On comprend que cette masse de glace fasse pression et qu'il avance (même si c'est un phénomène rare apparemment). On estime sa vitesse moyenne de progression à 2 mètres par jour, soit 700 m par an. Donc ça grince, ça grogne, ça gronde, ça s'effondre en permanence.

Le Perito Moreno ressemble un peu au dessus d'une tarte meringuée ou à une île flottante (tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas parlé bouffe!). Il s'avance dans un bras – le Brazo Rico – du Lago Argentino, jusqu'à rejoindre la rive d'en face (d'où les visiteurs observent le glacier) et ainsi séparer le Brazo Rico du reste du Lago Argentino. Dans ce nouveau petit "lac", les eaux peuvent monter jusqu'à 30 mètres au-dessus du reste du Lago Argentino. Cette pression sur le glacier creuse petit à petit un tunnel, qui se transforme en arche et qui finit par s'effondrer. Et le processus recommence. Les cycles peuvent durer de deux ans pour les plus courts, jusqu'à 16 ans pour les plus longs enregistrés. Il faut être là au bon moment pour voir le tout s'effondrer. La dernière fois, c'était l'an dernier. Mais sinon, tous les jours des pans entiers de glace se détachent. Dans un bruit assourdissant, c'est donc l'équivalent d'un immeuble de 25 étages qui s'effondre et s'enfonce dans l'eau.


C'est ce qui est le plus impressionnant sur ce glacier qui, au final, n'est pas forcément plus beau ou plus majestueux qu'un autre. J'ai d'ailleurs presque préféré le glacier O'Higgins (cf. article précédent) : moins de touristes, plus isolé, plus difficile d'accès. Et puis c'était mon premier du genre. Cela dit, la région et le glacier valent quand même le détour. Vous en jugerez par vous-mêmes...


20 mars 2013

Carretera Austral (4/4)

Il fallait vouloir la traverser la frontière avec l'Argentine dans cette région perdue, battue par les vents. Mais avec un peu de motivation, du temps devant soi et suffisamment de batterie pour l'appareil photo, c'est faisable. Et je ne regrette rien.

Le voyage commence tôt le matin sur les rives du lac O'Higgins, non loin du petit village de Villa O'Higgins, au bout de la Carretera Austral [NDLR : O'Higgins (Bernardo de son prénom) est un héros de l'indépendance chilienne]. Le bateau traverse pendant trois heures ce lac longiligne. Arrivé à une extrémité, il y a possibilité de rallonger de cinq heures pour aller admirer le glacier O'Higgins. Le temps est clair, légèrement nuageux, j'y vais ! Tant pis pour l'horaire, je camperai en chemin.

On navigue dans un autre embranchement du lac, jusqu'au glacier. C'est de toute beauté : le bleu-vert du lac, les montagnes enneigées, des glaciers de partout accrochés aux montagnes et au bout, le glacier O'Higgins (encore lui !) qui termine sa course dans le lac. La Patagonie comme on l'imagine ! Deux membres d'équipage se frayent un chemin au milieu des icebergs pour aller chercher de la glace et nous offrir un bon verre de whisky avec la glace de ce glacier multi-millénaire.

Fini de s'amuser, maintenant commence la partie marche. Il y a 35 kilomètres à couvrir avant de revoir la route : 20 km jusqu'au Lago del Desierto, 15 km le long du lac. Arrivé à 17h au port, je ne peux qu'espérer arriver au niveau du lac. Peine perdue, je n'arriverai qu'à la frontière avec l'Argentine, au kilomètre 15. Qu'à cela ne tienne ! je dormirai là, à la belle étoile, devant le poteau, les pieds au Chili, la tête en Argentine. On parlait de frontière dans l'article précédent. Je soupçonnais le Chili de s'accrocher aux siennes (on peut se référer à l'histoire de la Guerre du Pacifique, qui priva définitivement la Bolivie de son accès à la mer). Dans ce coin perdu de Patagonie, même certains arbres sont estampillés d'un panneau-drapeau chilien. Et un petit aérodrome a été aménagé juste avant la frontière. Un centimètre carré chilien est un centimètre carré, et il se défend !

Le lendemain, je chemine et me rapproche du mont Fitz-Roy, magnifique, au loin. Je réussis même à saisir son reflet dans le Lago del Desierto au petit matin. Je termine en longeant le lac. De l'autre côté, Natalia et Maxi me prendront en stop pour couvrir les 40 km qui me séparaient encore de El Chaltén. Et voilà une traversée de frontière mémorable, dans une contrée lointaine, sans doute la plus aventureuse de mon voyage, mais pas la dernière. Il me reste quelques étapes en Argentine, puis à nouveau au Chili, avant de finir à Ushuaïa, en Terre de Feu, côté argentin. Ça commence à sentir un peu la fin... allez ! encore un mois pour finir de m'en mettre plein les yeux. En attendant, pour vous, le diaporama des quatre épisodes "Carretera Austral".




15 mars 2013

Carretera Austral (3/4)

Mardi. Une nouvelle journée démarre... un peu tard. J'ai mal dormi, il a fait froid cette nuit. Peu importe. À dix heures, je vais acheter mes petits pains pour mes sandwiches. Je rencontre deux Français. Une bonne nouvelle, une mauvaise nouvelle. La mauvaise, c'est que ça fait deux heures qu'ils essaient de faire du stop, sans succès. La bonne, c'est que j'ai bien fait de ne pas me lever si tôt finalement !

Ils abandonnent l'idée de faire du stop et vont prendre le bus de la mi-journée. Je me mets en route, en attendant le passage d'une voiture (ou au pire, du bus). Au bout de deux heures de marche le long du lac, une seule voiture est passée. Et elle était pleine. Mais un camion finit par s'arrêter. Milton transporte de la terre pour l'entretien de la route australe, à quelques kilomètres de là. Il me propose de m'avancer. J'accepte, en me disant que de toute façon le bus n'est pas encore passé, alors autant avancer. On discute travaux sur la Carretera, camion, football, etc. Quand je le quitte, un livreur (à l'inverse, très peu bavard!) m'emmène jusqu'à Cochrane. Je suis content. Et comme je suis un chanceux insolent, j'ose encore tenter ma chance. C'est du bonus, je ne suis pas en retard sur mon programme, mais j'ai envie d'avancer, et d'essayer d'aller visiter Tortel. Quinze minutes d'attente et Carles, Rosario et Esteban arrêtent leur jeep. Après avoir fait de la place, ils s'excusent presque en m'annonçant qu'ils vont à Tortel et non pas plus loin !

Tortel, lieu unique. Une passerelle en bois le long du fjord, d'autres qui remontent les pentes et mènent aux maisons. Tout un petit village de bois, de rues en bois, de maisons en bois. On est loin de tout. Le village est connecté au réseau de téléphonie mobile depuis 6 mois seulement. C'est assez drôle parce que tout le monde se balade avec son téléphone portable, comme des enfants exhibant leurs nouveaux jouets. Sinon la radio VHF est toujours très utilisée pour communiquer de maisons en maisons. L'électricité vient du Nord. Et le village est raccordé à la Carretera Austral par un petit chemin de terre de 25 km. Comme vous le voyez, de très minces connexions au monde extérieur.

Le lendemain, mercredi, je marche à nouveau près de trois heures avant que, à nouveau, un camion de chantier ne s'arrête. Je traverse en bateau le Río Bravo. Arrivé en face, il reste 100 km avant Villa O'Higgins. Mais plus j'avance sur cette Route du Sud, moins il y a de véhicules. Normal, c'est un cul-de-sac. A Tortel, j'aurais peut-être dû profiter du départ des 5 Jeeps que je croise régulièrement depuis trois jours (et dont je suis plutôt fier de réussir à suivre le rythme). Mais ça aurait été trop facile ! Je me prépare donc à camper là, au milieu de nulle part, et à attendre le passage du bus le lendemain après-midi. Mais coup de chance ! Alors que toutes les voitures du bac me semblaient pleines, la dernière à sortir du bateau me fait signe. La baraka chilienne jusqu'au bout ! Ils vont à Villa O'Higgins.

J'arrive donc à Villa O'Higgins, au bout de la Carretera Austral. Depuis Bariloche, il m'aura fallu 8 jours de stop pour couvrir ces 1.400 kilomètres. Là encore, à Villa O'Higgins, on est loin de tout. À 500 kilomètres de la grande ville par une route en terre, à une journée à pied du village d'El Chaltén en Argentine. Pas de fjord pour un accès en bateau mais un petit aérodrome. Je soupçonne le gouvernement chilien de subventionner le village afin de "marquer son territoire". Comme un peu partout en Amérique latine, il existe de nombreuses zones de conflit territoriaux à propos des frontières. Peu importe, je suis là et heureux d'y être.

Et pour finir sur une petite anecdote, je tombe nez-à-nez avec Simon dans l'auberge que j'ai choisie. Simon est un Australien que j'avais quitté autour d'une table de petit déjeuner dans mon auberge à Santiago, il y a deux mois ! Je partais, il arrivait, on avait bien sympathisé. Depuis, on a chacun fait notre route de notre côté et on est heureux de se retrouver complètement par hasard, de se raconter nos aventures et de se donner quelques recommandations pour nos suites respectives : il remonte vers le Nord, je continue vers le Sud.

La suite pour moi, ça va être de traverser la frontière avec l'Argentine. Ce sera sans doute la plus aventureuse traversée de mon périple : un bus, trois heures de bateau, cinq heures de marche, la frontière, à nouveau le bateau (ou 3 heures de marche), et un bus. Et je serai arrivé à El Chaltén. Mais ce sera pour le 4e et dernier épisode de la série.

13 mars 2013

Carretera Austral (2/4)

Dimanche matin. Des nappes de brouillard ont encore du mal à dégager complètement le fjord. Le réveil se fait en douceur, à l'odeur du pain grillé. Don Luis, le propriétaire de ce petit hospedaje (bed & breakfast version sud-américaine), est déjà aux fourneaux. Pain maison, confiture maison, œufs brouillés, un bon café. De quoi bien démarrer la journée ! D'autant que la pluie a enfin cessé. Durant le petit déjeuner, je questionne Don Luis sur la vie ici, à Puyuhuapi, avant et après la construction de la Carretera austral.

Il me raconte comment ce petit village, fondé en 1935 par des Allemands fuyant le nazisme, était complètement isolé, au fond de son fjord, attendant patiemment les bateaux d'approvisionnement tous les quinze jours ou tous les mois. On se débrouillait comme on pouvait et on était autonome. Puis la Carretera permit des approvisionnements plus réguliers. Elle a également permis l'essor du tourisme. Ce n'est pas non plus Disneyland ou La Grande Motte, mais une certaine affluence d'assoiffés de plein air et d'aventure sillonnant la route australe dans un sens ou dans l'autre, en voiture, en vélo, en camping-car, en bus, en stop. Beaucoup d'Israéliens, pas mal de Français et d'Allemands aussi, et des Chiliens du "Nord" venant à la découverte des confins de leur pays.

Et puis au moins deux Belges aussi, à ma grande joie ! Jérôme et Emilia ont décidé de s'arrêter devant mon pouce levé. Tout de suite, ils font de la place dans le monospace et Emilia s'installe à l'arrière aux côtés de leur petit Mateo, un an, une petite bouille toute blonde avec un large sourire. Après plusieurs années en mission en Afrique centrale, ils sont en attente d'un nouveau poste pour Jérôme, dans le domaine de la gestion forestière, ils sont partis tous les trois pour Santiago fin février. Ils vont sillonner la Patagonie pendant trois mois, le long de la Carretera austral côté chilien à l'aller, puis remonter depuis Ushuaïa par la Ruta 40 côté argentin.

En ce dimanche calme et paisible, mes petits pains chauds dans le sac pour midi, j'étais regonflé à bloc après ces deux nuits d'étape à Puyuhuapi. Et d'apprendre que Jérôme et Emilia allaient à la même destination et qu'ils prévoyaient une petite halte pour jeter un œil au glacier Ventisquero Colgante, j'étais comblé ! On a donc passé la journée ensemble, petite rando jusqu'au glacier le matin, route dans l'après-midi sous la pluie revenue. La route est longue pour le conducteur : la pluie et les nids de poule exigent une attention de chaque instant.

Après une très agréable journée d'échanges, on se rendra même compte qu'ils étaient tombés sur mon blog lorsqu'ils préparaient leur propre road-trip en Patagonie. Nous nous quittons à Coyhaique, capitale régionale sans grand intérêt. Je m'arrête dans un petit hospedaje un peu particulier. La propriétaire n'a jamais voulu sacrifier sa maison à la grande distribution ; résultat : le supermarché qui occupe tout le pâté de maison entoure littéralement sa maison sur trois côtés. Elle a un certain côté irréductible gauloise.


Lundi matin. La journée va être belle. C'était annoncé depuis plusieurs jours et les prévisionnistes ne se sont pas trompés. Mais je ne serais pas tout à fait Français si je ne me plaignais pas un peu : le vent ce matin est glacial. Pour éviter de mourir congelé sur le bord de la route, j'avance et lève le pouce dès qu'une voiture passe. Après quatre sauts de puce de 5 à 10 kilomètres, Daniel s'arrête pour me proposer d'aller jusqu'à ma destination du jour. Je n'y croyais plus. Deux jours de suite à plus de 200 km, belle perf' sur la Carretera austral ! Pourvu qu'ça dure... Je dois être vendredi à Villa O'Higgins, au bout de la route australe, et il me reste 350 km dans des coins encore plus reculés.

Quelques dizaines de kilomètres avant Coyhaique, le paysage a commencé à changer. Après des vallées et des fjords couverts de forêts, on arrive dans des endroits plus ouverts, plus secs aussi, moins arboré. Les couleurs sont magnifiques : le bleu et blanc du ciel légèrement nuageux, l'or de l'herbe grillée, le vert des quelques bosquets, le turquoise des lacs et rivières, le noir des sommets, le blanc des glaciers.

Ces quelques heures avec Daniel seront l'occasion de parler du projet de centrales hydroélectriques (une succession de cinq barrages) sur lequel il travaille dans la région de Cochrane un peu plus au Sud. Pour l'heure, le gouvernement a validé la construction de la centrale en tant que telle mais pas encore son raccordement au reste du réseau électrique, via une ligne à haute tension qui devra traverser cette région sauvage et difficilement accessible. L'opposition au projet est féroce. Les ONG environnementalistes dénoncent le déplacement de 19 familles et l'inondation de différents éco-systèmes impactant faune et flore. Et d'autres comme Douglas Tompkins (le fondateur américain des marques de vêtements North Face et Esprit qui acquiert de gigantesques territoires pour aider à la conservation du patrimoine naturel de la Patagonie) s'inquiètent de l'impact environnemental, esthétique et touristique.


En milieu d'après-midi, j'arrive à Puerto Río Tranquilo, sur les rives du Lago General Carrera, superbe lac bleu-vert dans cet écrin de montagnes. Je rate le tour de bateau pour aller voir les calanques mais je reste passer la nuit. Assez de route pour aujourd'hui. Je continuerai demain !

Note. En attendant le traditionnel diaporama (qui sera publié dans le dernier article de la série), vous pouvez cliquer sur les photos pour les agrandir.

8 mars 2013

Carretera Austral (1/4)


Il est sept heures ce jeudi. Le matin a du mal à se départir des nuages accrochés aux monts environnants. Au fond d'une vallée de la Cordillère, le petit village de Futaleufú s'éveille. Des petites maisons en bois aux couleurs un peu délavées s'échappent les fumées timides des poêles à bois. Il ne fait pas si froid ; il fait surtout très humide. Penché sur mon café fumant, je jette un œil régulièrement par la fenêtre. La pluie n'a pas cessé depuis hier en fin d'après-midi. Les nuages ne connaissent pas les frontières. Mon arrivée au Chili n'y a rien changé. Au contraire, avec les entrées d'air maritime du Pacifique, je ne m'attends pas à des changements de temps dans la journée, voire même dans la semaine.

Cela fait deux jours que j'ai quitté Bariloche. En Argentine, j'ai un succès inégal en stop, mais grâce à César, Carlos et Pedro je réussis à gagner chacune des étapes prévues (Esquel en Argentine puis Futaleufú au Chili). Je me remémore les étapes en stop dans le Nord-Ouest des Etats-Unis. Le climat y est sans doute pour quelque chose. Mais le trafic est beaucoup moins dense. Côté chilien, on compte maintenant une voiture par demi-heure. Heureusement, il y a 95% de chances qu'elle s'arrête et me prenne. Résultat : le temps d'attente moyen est tout aussi bon.

Cliquer sur la carte pour l'agrandir
Au programme aujourd'hui : rejoindre la route n°7, la fameuse Carretera austral (la route australe ou la route du sud). À partir de Puerto Montt, le relief devient de plus en plus hostile aux installations humaines. Sur 1.500 kilomètres, la Cordillère des Andes se termine en une succession de montagnes, lacs, fjords, forêts impénétrables, glaciers, jusqu'à la Terre de Feu. Cette région difficile d'accès aura au moins bénéficié du "rôle positif" de la dictature du Général Pinochet : une route de terre s'enfonce jusqu'à Villa O'Higgins. Je ne pourrai pas aller plus loin et serai obligé de repasser en Argentine, à El Chaltén.

Entre Futaleufú et la Carretera austral, je suis conduit par Walter, tout heureux de me présenter la région, de me nommer lacs et ruisseaux, de me décrire les couleurs des eaux, leur transparence aussi. N'allant pas jusqu'au bout, je marche deux heures avant de rejoindre Villa Santa Lucía, sur la Carretera. En route, je croise une jeep-camping-car. De loin, je ne sais quelle intuition me persuade que ce sont des Français. Plus ils s'approchent, plus je crois reconnaître une plaque minéralogique européenne et un drapeau tricolore. Je fais signe de s'arrêter. Et là, c'est gagné, Patrice et Véronique, deux Normands (de l'Eure) souriants et enthousiastes, m'expliquent qu'ils sont sur les routes sud-américaines pour deux ou trois ans. Ayant déjà mis six mois à faire ce que je compte mettre un mois et demi à pied, je comprends qu'ils aient prévu large !

Arrivé à Villa Santa Lucía, sur la Carretera, j'imagine et espère qu'il y aura plus de trafic. Non. Je dois attendre une heure, toujours sous la pluie, avant que ne s'arrête Lucas. Tout comme les chauffeurs décident de s'arrêter ou pas, quand on fait du stop, on a une seconde et demi pour décider si on monte ou pas. Par deux fois aux Etats-Unis, je suis monté en me disant « on y va, ça devrait passer ! ». Lucas a un accent parfois compréhensible et un comportement un peu étrange. La pluie incessante et la perspective d'arriver à bon port pour la nuit me font monter. Il commence par partager son sandwich avec moi, puis sort la bouteille de Vermouth (genre de Martini). Là je commence à comprendre pourquoi j'ai du mal à tout comprendre ; alcoolisé, l'articulation n'est pas son fort. Une fois le contact allumé et les mains vissées sur son volant, Lucas s'imagine en Sébastien Loëb [le nonuple champion du monde français de rallye]. Rincé par deux jours de stop sous la pluie et le vent, je tente de ne pas voir qu'on a bien failli se manger une chèvre, la remorque d'un camion de travaux publics, l'arrière-train d'une vache et un certain nombre de fossés. Au lieu de ça, je réussis même à soustraire mon attention et m'endormir doucement au gré des nids de poule et du chauffage de la fourgonnette.

Arrivé à bon port à La Junta, j'en repars dès le lendemain matin. Patrick et Rose me déposeront ce matin à Puyuhuapi, charmant petit village au bord d'un lac, avec un petit panneau « Danger Tsunami » ... ah bah oui ! en fait, c'est le Pacifique qui arrive jusqu'au fond de cette petite vallée. Village très reculé, horizon bouché par les nuages, on a vraiment l'impression d'arriver au bout du monde, à la fin de la Terre. C'est loin, mais c'est beau ! C'est froid et humide, mais c'est l'aventure !!


6 mars 2013

Nico el Patagónico

Eh oui ! Ça y est, appelez-moi le Patagónico (ou Patagon en Français) parce que, non sans émotion, je suis arrivé en Patagonie. San Carlos de Bariloche (ou Bariloche, tout simplement) est ma première étape, en Patagonie argentine. Emotion et fierté aussi, j'avoue, d'avoir réussi à rallier l'Alaska au Grand Sud sans encombre, entier, dans les temps et (à peu près...) dans le budget. J'atteins enfin cette région ! Et c'est ce qui me meut depuis le départ : découvrir la Patagonie était l'idée originale autour de laquelle j'ai ensuite construit mon itinéraire pan-américain.


La Patagonie, c'est quoi ? c'est où ? Pour moi, c'est une terre sauvage à explorer. Pour les géographes, c'est la région la plus australe du monde, Antarctique mis à part. Pour Nicolas Hulot, c'est Ushuaïa. Pour les politiques, ce sont cinq provinces argentines et cinq régions chiliennes. Pour certains d'entre vous, ce n'est qu'une marque de vêtements. Et pour les amoureux de nature, ce sont des montagnes, des glaciers, des lacs, des sapins, des condors, des pingouins et le soleil de l'été austral qui brille encore suffisamment pour nous réchauffer... mais pour encore combien de temps ?

Je vais passer un mois et demi à descendre les 3.000 kilomètres qui me séparent encore d'Ushuaia, passant d'un côté et de l'autre de la frontière argentino-chilienne. Ma première étape, accompagné d'Aïssata et Jacky (deux très bons amis venus de France), m'a fait poser le sac-à-dos à Bariloche, sur les rives du Lac Nahuel Huapi. Et là, c'est le coup de foudre quasi instantané. Assurément je le classe parmi les plus beaux lacs du monde. Je vous laisserai le découvrir dans les photos.

Sur place, au programme, pas mal de rando, en montagne, sur les bords du lac, sur une journée, sur plusieurs jours, et généralement sous le soleil. Mais également ma première expérience de rafting (vous verrez dans la galerie de portraits, à la page Photos). De très bons restaurants avec de la viande de bœuf à tomber par terre. Et du bon vin argentin, sans surprise, jamais mauvais. Tout ça augure bien de la suite du séjour en Patagonie !



4 mars 2013

Buenos Aires

Pour tout vous dire, je bloque sur la rédaction de cet article depuis deux semaines. Je n'ai pas toutes les photos que j'aurais voulu prendre pour diverses raisons. Et je n'ai pas envie de vous abreuver d'explications en tout genre sur la ville.

Alors faisons simple, en quelques photos. Vous verrez principalement le très populaire quartier de La Boca, populaire, ancien quartier d'immigration italienne, très coloré : une fois les bateaux finis d'être peints, ils ramenaient les pots de peinture et se lâchaient sur leurs maisons. Pour les footeux, le Buenos-Airien Diego Maradona a fait un passage éclair dans le club de Boca Juniors. Enfin, c'est de là que nous avons fait route directement vers Bariloche, la porte d'entrée de la Patagonie !

Buenos Aires restera pour moi une ville à l'architecture très européenne comme je n'en avais pas encore vue depuis le début de mon voyage. Elle restera aussi la ville où j'ai accueilli Aïssata et Jacky venus de France passer quinze jours avec moi, et la ville où j'ai dit au-revoir à deux de mes plus grands amis voyageurs : Kati remontant vers le Nord et le Brésil d'où elle s'envolera pour Galway, en Irlande (via New York) et Henning qui finit son séjour sud-américain avant de rentrer à Cologne, en Allemagne. Ça aura été un vrai plaisir de les rencontrer (l'une dans les montagnes costariciennes, l'autre dans un bus pour Cuenca, Equateur) et de voyager autant avec eux.