29 novembre 2012

Ils sont fous, ces Incas !

C'est vraiment un peuple étonnant que celui des Incas. Rien qu'à l'évocation de leur nom, nous viennent des images des Andes, du Machu Picchu, de Tintin et le Temple du Soleil, de momies et de riches ornements en or, etc. Mais il y a aussi de nombreux mystères derrière tout ça. Le mot Inca désignant avant tout l'Empereur, on parlera du peuple de l'Inca. Mais on l'utilise aussi comme adjectif pour désigner le peuple et l'empire par exemple.

L'empire inca justement s'étendait du Sud de la Colombie au Nord du Chili, englobant l'Equateur, la Bolivie et le Pérou actuels. Cuzco, le « nombril [du monde inca] » en langue quechua, était sa capitale, fondée au XIe siècle. Né sur les rives du Lac Titicaca, l'empire s'est petit à petit constitué par assimilation des différentes civilisations environnantes, plus ou moins par la force.

Les Incas vivaient principalement dans la région montagneuse des Andes, perchés à des altitudes moyennes de 3.000 mètres. Mais ces contraintes géographiques et climatiques ont été loin de les décourager. C'est au contraire leur capacité d'adaptation à ce milieu qui a fait leur force.

Pour subvenir à leurs besoins, ils cultivaient des terrasses perchées sur des falaises abruptes. Ils se servaient des pentes de la montagne comme gigantesques récupérateurs d'eaux de pluie et irriguaient ainsi ingénieusement leurs cultures. Il semblerait que les Incas faisaient même du socialisme avant l'heure. Tout un système de redistribution des productions était organisé. Les vallées qui n'élevaient pas de troupeau étaient pourvues en viande et laine et inversement les hauts plateaux dont les récoltes étaient insuffisantes étaient fournis en produits agricoles. Pour ce faire, ils avaient développé un important réseau routier, que les premiers Européens débarqués sur le continent compareront même avec ce qu'avaient entrepris les Romains à leur époque.

Toujours aussi étonnant, des études ont montré que leur architecture répondait parfaitement aux normes anti-sismiques (on est toujours sur la Ceinture de Feu du Pacifique !). Un savant mélange de construction solide et de fins réglages : de petites pierres mobiles dans les fondations, par-dessus des mégalithes de plusieurs tonnes s'emboîtant parfaitement sans que ciment soit nécessaire. C'en est presque comique de voir la disproportion avec le fétu de paille qui recouvraient l'ensemble. C'est pour cette raison que dans les ruines, ne subsistent aujourd'hui que les murs.

Les Incas possédaient une connaissance aiguë de l'astronomie. Ils utilisaient des calendriers solaires pour connaître les dates, sur le même principe que les cadrants solaires donnent l'heure. Ainsi, ils savaient avec précision les saisons et les jours de solstice et d’équinoxe. Le 21 ou 22 juin, ils célébraient le solstice d'hiver au cours de la fête du Soleil. Dans l'hémisphère sud, c'est à ce moment de l'année que le soleil est le plus éloigné de la Terre. Ils le vénéraient donc pour qu'il revienne vite au plus près.

Arrivé à Cuzco le 15 novembre avec Henning (l'un des deux Allemands avec qui je voyage depuis mon retour des Galapagos), j'ai retrouvé Antoine, un Français rencontré sur un sommet du Costa Rica et qui, lui, remonte le continent sud-américain de l'Argentine à la Colombie (avec un blog intéressant à suivre). Nous avions convenu d'un trek de quatre jours vers le petit frère du Machu Picchu : le Choquequirao. La randonnée, prétentieusement sous-estimée, nous a bien fatigués. L'accumulation de fatigue des dernières semaines chargées (en bus et en rando), la chaleur et l'altitude nous ont fait douter un moment. Mais on a bien rigolé et navigué dans un environnement époustouflant.

A notre retour à Cuzco, Henning et moi avions toujours en tête de repartir pour le Machu Picchu. Evidemment, grâce aux conseils d'amis voyageurs, nous avons pu profiter du site au petit matin, avant l'arrivée des hordes de touristes. J'ai été un peu gêné dans la prise de photo, dans un brouillard trainant puis sous un soleil de plomb. Mais le site est magique. Perché sur une colline, il est très bien conservé et restitue parfaitement l'ambiance qui pouvait y régner il y a 500 ans.

Un peu d'histoire rapidement. Elle va être courte parce que le village du Machu Picchu n'a été habité qu'une toute petite centaine d'années. Sa construction aurait débuté dans les années 1440. On ne sait toujours pas aujourd'hui si c'était une résidence secondaire de l'Inca, une sorte de Versailles de l'empire Inca, en retrait du pouvoir central de Cuzco, où l'Empereur pouvait se retirer avec une partie de sa cour.

Toujours est-il que les Incas l'ont déserté vers 1538. Suite à la prise de Cuzco par les Espagnols, le site a été abandonné, de peur qu'il ne tombe lui aussi aux mains des Espagnols. L'Inca et une partie de son peuple se sont alors réfugiés plus loin, au Choquequirao en particulier. 100 ans d'existence seulement, mais les Espagnols n'ont a priori jamais découvert les deux sites (Machu Picchu et Choquequirao), les Incas ayant détruit les chemins d'accès derrière eux. Ce n'est que dans les années 1910 qu'ils ont été redécouverts et les vestiges dégagés petit à petit de la végétation luxuriante.

Malgré tout l'empire tomba aux mains des Espagnols dans le courant du XVIe siècle. Ceux-ci s'empressèrent de piller tout ce qui pouvait l'être. Le royaume d'Espagne n'aurait jamais été aussi riche qu'à cette époque-là. Les Conquistadors en ont profité également pour évangéliser la région. On imagine facilement que les Incas et leurs descendants aient eu un peu de mal à embrasser cette religion qui d'un côté prône l'amour et le pardon mais qui tolère de l'autre que ses adeptes tuent, pillent massivement, mettent à sac villes et villages, ou encore extorquent les immenses ressources naturelles.

Les civilisations aztèque ou maya du Mexique actuel ont elles disparu à l'arrivée des Espagnols. Malgré de nombreux mouvements de résistance, actifs jusqu'à l'indépendance, les Incas sont eux parvenus à s'accommoder de l'envahisseur. En particulier au niveau religieux, ils ont intelligemment réussi à faire correspondre des fêtes et rites chrétiens avec leurs propres fêtes. Par exemple, ils continuaient à fêter le soleil, mais au moment de la fête de la Saint-Jean (le 24 juin). Ni vu ni connu ! Un mélange de croyances "païennes" et chrétiennes toujours présent aujourd'hui.

Voilà donc une semaine passionnante au cœur de l'empire inca, une semaine à découvrir un peu plus ce peuple fascinant, vivant dans un environnement andin particulièrement hostile mais superbe. Et aujourd'hui ne subsistent que des vestiges, encore nimbés de nombreux mystères, dans lesquels on déambule pour tenter de s'imaginer la splendeur de cette civilisation.



16 novembre 2012

De Cuenca à Cuzco

Jour 300. Kilomètre 34.780. Latitude 13° 31' sud.

Quinze jours entre Cuenca (Equateur) et Cuzco (Pérou). Quinze jours où le rythme s'est un peu accéléré. Quinze jours où j'ai parcouru plus de 3.400 km en bus. Quinze jours où j'ai randonné la moitié du temps.

Distance parcourue entre Cuenca et Cuzco : 3.400 km


Sur le parcours, j'ai franchi la frontière avec mon amie Kati, déjà rencontrée à de nombreuses reprises maintenant depuis le Costa Rica. Puis j'ai passé pas mal de temps avec Henning et Paul, deux Allemands de Cologne. Entre autres, on a passé quatre jours dans le Parc national Huascarán. Magnifique trek à plus de 4.000 mètres (max. 4.750 mètres). Techniquement accessible même si l'altitude complique un peu la donne parfois. Quelques photos ici.





Enfin, un passage éclair à Lima, entre deux bus de nuit. Etant davantage dans un mode randonnée/nature, j'évite les grosses villes. Dans le bus de Lima à Cuzco, j'ai rencontré un autre Nicolás, de Colombie, et Olivier et Magalie, un couple de Normands de Sartilly (le monde est petit!). Et pour les prochains jours, maintenant que j'ai atteint Cuzco, ce sera une autre rando de cinq jours avec Henning et Antoine (un Français que j'avais rencontré au Costa Rica). Puis dans le courant de la semaine prochaine, ce sera l'incontournable Machu Picchu.

9 novembre 2012

Les Galapagos

Les Galapagos... un archipel qui m'a souvent fait rêver, au gré de certaines émissions d'Ushuaïa de mon enfance. Et même si je me rapproche de plus en plus d'Ushuaïa (la ville, cette fois), l'archipel me semblait bien éloigné de ma route. Et puis en arrivant en Equateur, j'ai réalisé que je ne serai sans doute jamais aussi proche. Et j'ai écouté le conseil de Marine B., une amie : « Ne passe pas à côté de l'occasion ; tu ne le regretteras pas ! »

Et effectivement, je ne l'ai pas regretté. Arrivé à Quito, j'ai fait le tour des agences de voyages pour voir un peu les itinéraires de bateau proposés. Et j'ai opté pour un tour de 8 jours dans les îles Nord et Sud-Est, les plus riches en faune qui m’intéressait. Sur le bateau, nous étions 14 passagers et 7 membres d'équipage, plus le guide. Un très bon groupe : des voyageurs solitaires au long court et un groupe de retraités texans passionnés d'oiseaux. Un mix très enrichissant !

Les Galapagos sont un univers à part entière. D'abord par sa localisation, en plein océan Pacifique, à plus de 1000 kilomètres de côtes. Ensuite, c'est un des rares endroits de la planète à n'avoir jamais été rattachés à un continent. L'archipel est placé sur un point chaud, des volcans sont régulièrement en éruption, et au fil des 10 millions d'années précédentes, ont fait surgir (et le font toujours) ces îles du milieu de l'océan.

C'est un univers à part entière aussi par le pourcentage (sans doute le plus élevé au monde) d'espèces endémiques, c'est-à-dire qui n'existe nulle part ailleurs. Et cela vaut autant pour la faune que pour la flore. Pour certaines espèces, on se demande même encore aujourd'hui comment elles ont pu "débarquer" ici, en particulier les mammifères ou les reptiles.

Mais cet univers est un univers fragile. Classé au Patrimoine mondial, l'Unesco l'a même inscrit sur sa liste des Patrimoines en danger entre 2007 et 2011. C'est un équilibre fragile qui règne sur place. La présence de l'Homme n'est pas anodine : à la fois c'est sans doute lui qui est le mieux placé pour faire des efforts en matière de conservation, mais paradoxalement ce sont aussi ses activités qui contribuent le plus à la détérioration des lieux (pollution, apports d'espèces introduites : chats, chiens, rats, chèvres, etc. qui sont autant de prédateurs pour les animaux ou les plantes).

D'autres éléments contribuent à la fragilité des lieux. El Niño, un phénomène climatique plus ou moins cyclique, réchauffe les eaux du Pacifique et entraîne une baisse des réserves de poissons, alimentation de base de nombreuses autres espèces. Côté plantes, la nature volcanique des îles implique qu'il y a peu de terre pour pouvoir se développer. Chaque espèce, qu'elle soit végétale ou animale, a donc appris au fil des millénaires à s'adapter à cet environnement si particulier. Ainsi, le moindre grain de sable dans l'engrenage entraîne des perturbations qui peuvent aller très vite jusqu'à l'extinction d'une espèce.

C'est triste mais c'est pas dramatique, diront les plus sceptiques. Après tout, les Galápagos, c'est quoi comparé au reste de la planète ? Et bien, c'est juste le parfait échantillon de ce qui se produit à des échelles autrement plus grandes (et inquiétantes) sur les autres mers et continents. Mais personne au niveau politique ne semble vraiment en prendre conscience, ou du moins avoir la volonté politique pour agir et éviter que les conséquences (du réchauffement climatique, entre autres) ne deviennent un jour irréversibles.

De mon côté aussi, je me suis interrogé sur mon séjour sur place. Pour les raisons que je vous ai déjà énoncées : j'allais à nouveau prendre l'avion (même si une compensation carbone au retour sera plus que justifiée), j'allais contribuer aux activités humaines qui peuvent être néfastes pour l'environnement, etc. Mais en même temps, je savais que cela allait alimenter ma réflexion sur ces thématiques de biodiversité ou de protection de l'environnement.

Et j'avoue que je me suis régalé au milieu de ces animaux si particuliers, si peu communs sous nos latitudes. C'était d'autant plus fascinant que ces animaux ne sont pas farouches. Pour eux, dans le pire des cas, nous les Hommes ne sommes que d'ennuyeux paparazzis, mais jamais pressentis comme des prédateurs. Ainsi les oiseaux ne s'envolent pas à notre approche, les reptiles ne se réfugient pas sous une pierre et les loups de mer continuent leur sieste tranquillement.

Voilà pour ces quelques jours inoubliables. Maintenant place aux photos. Au passage, je remercie Ryan pour ses vues sous-marines.



8 novembre 2012

PC Course

Jour 291. Kilomètre 32 925. Latitude 9° 31' Sud.

Les photos et l'article sur les Galápagos ne sont pas encore complètement bouclés. Alors pour vous faire patienter un petit résumé de mon séjour équatorien.

Distance parcourue en Equateur
puis dans les Galapagos : 2.285 km

Je suis arrivé le 19 octobre au soir en terre équatorienne, en compagnie de Dušan, un Slovaque rencontré à Popayán (ma dernière étape colombienne). Dès le lendemain, on a erré au milieu de l'immense et coloré marché en plein air d'Otavalo. Pour revoir les photos, cf. l'article « Jour de marché à Otavalo ».

Puis on s'est dirigé vers Quito et la fameuse ligne de l'équateur. C'est évidemment un passage symbolique marquant de ce voyage du Nord au Sud des Amériques. Mais le franchissement du Canal de Panamá restera pour moi un moment plus fort encore. Quoi qu'il en soit me voici maintenant, et pour la première fois de ma vie, de l'autre côté de la planète, au sens propre du terme.

J'ai visité Quito, qui ne me laissera pas un souvenir impérissable : ville immense, certes une très belle église San Francisco, mais le reste ne m'a pas vraiment séduit. Cf. article précédent « L'équateur à Quito ».

Puis j'ai fait un passage rapide à Baños, petit village enfoui au fin fond d'une vallée de la Cordillère. J'ai alors quitté Dušan. Bus de nuit jusqu'à Guayaquil puis avion et je me suis retrouvé le lendemain matin dans l'archipel des Galapagos. Promis ! les photos arrivent, mais soyez indulgents, j'ai peu accès à internet et beaucoup de travail sur les nombreuses photos.

De retour sur le continent, j'ai filé à Cuenca d'où je suis allé randonner dans le Parc National El Cajas avec Christina, Henning et Paul, trois Allemands. Passer en quelques heures du niveau de la mer à plus de 4.000 m d'altitude, c'est du challenge ! Mais j'ai aimé ça. Et je remettrais ça dans quelques jours dans le Nord du Pérou avec Henning et Paul, et là on va tutoyer les 5.000.

Enfin, dernière étape : Vilcabamba, où je retrouvais Kati, rencontrée au Costa Rica, avec qui j'ai voyagé au Panama, visité la région de San Agustin en Colombie et que j'ai croisé brièvement aux Galapagos (j'arrivais, elle repartait). Nous avons cette fois passé la frontière Equateur-Pérou, au terme d'un voyage interminable, dans les montagnes, au milieu de nulle part, et en compagnie de Solène et François, deux Québécois.

Voilà pour le moment. À très vite pour les photos des Galapagos !