C'est vraiment un peuple
étonnant que celui des Incas. Rien qu'à l'évocation de leur nom,
nous viennent des images des Andes, du Machu Picchu, de Tintin et
le Temple du Soleil, de momies et de riches ornements en or, etc.
Mais il y a aussi de nombreux mystères derrière tout ça. Le mot
Inca désignant avant tout l'Empereur, on parlera du peuple de
l'Inca. Mais on l'utilise aussi comme adjectif pour désigner le
peuple et l'empire par exemple.
Pour subvenir à leurs besoins,
ils cultivaient des terrasses perchées sur des falaises abruptes.
Ils se servaient des pentes de la montagne comme gigantesques
récupérateurs d'eaux de pluie et irriguaient ainsi ingénieusement
leurs cultures. Il semblerait que les Incas
faisaient même du socialisme avant l'heure. Tout un système de
redistribution des productions était organisé. Les vallées qui
n'élevaient pas de troupeau étaient pourvues en viande et laine et
inversement les hauts plateaux dont les récoltes étaient
insuffisantes étaient fournis en produits agricoles. Pour ce faire, ils avaient
développé un important réseau routier, que les premiers Européens
débarqués sur le continent compareront même avec ce qu'avaient
entrepris les Romains à leur époque.
L'empire inca justement
s'étendait du Sud de la Colombie au Nord du Chili, englobant
l'Equateur, la Bolivie et le Pérou actuels. Cuzco, le « nombril
[du monde inca] » en langue quechua, était sa capitale, fondée
au XIe siècle. Né sur les rives du Lac Titicaca, l'empire s'est
petit à petit constitué par assimilation des différentes
civilisations environnantes, plus ou moins par la force.
Les Incas vivaient
principalement dans la région montagneuse des Andes, perchés à des
altitudes moyennes de 3.000 mètres. Mais ces contraintes
géographiques et climatiques ont été loin de les décourager.
C'est au contraire leur capacité d'adaptation à ce milieu qui a
fait leur force.
Toujours aussi étonnant, des
études ont montré que leur architecture répondait parfaitement aux
normes anti-sismiques (on est toujours sur la Ceinture de Feu du
Pacifique !). Un savant mélange de construction solide et de
fins réglages : de petites pierres mobiles dans les fondations,
par-dessus des mégalithes de plusieurs tonnes s'emboîtant
parfaitement sans que ciment soit nécessaire. C'en est presque
comique de voir la disproportion avec le fétu de paille qui
recouvraient l'ensemble. C'est pour cette raison que dans les ruines,
ne subsistent aujourd'hui que les murs.
Les Incas possédaient une
connaissance aiguë de l'astronomie. Ils utilisaient des calendriers
solaires pour connaître les dates, sur le même principe que les
cadrants solaires donnent l'heure. Ainsi, ils savaient avec précision
les saisons et les jours de solstice et d’équinoxe. Le 21 ou 22
juin, ils célébraient le solstice d'hiver au cours de la fête du
Soleil. Dans l'hémisphère sud, c'est à ce moment de l'année que
le soleil est le plus éloigné de la Terre. Ils le vénéraient donc
pour qu'il revienne vite au plus près.
Arrivé à Cuzco le 15 novembre
avec Henning (l'un des deux Allemands avec qui je voyage depuis mon
retour des Galapagos), j'ai retrouvé Antoine, un Français rencontré
sur un sommet du Costa Rica et qui, lui, remonte le continent
sud-américain de l'Argentine à la Colombie (avec un blog intéressant à suivre). Nous avions
convenu d'un trek de quatre jours vers le petit frère du Machu
Picchu : le Choquequirao. La randonnée, prétentieusement
sous-estimée, nous a bien fatigués. L'accumulation de fatigue des
dernières semaines chargées (en bus et en rando), la chaleur et
l'altitude nous ont fait douter un moment. Mais on a bien rigolé et
navigué dans un environnement époustouflant.
A notre retour à Cuzco, Henning
et moi avions toujours en tête de repartir pour le Machu Picchu.
Evidemment, grâce aux conseils d'amis voyageurs, nous avons pu
profiter du site au petit matin, avant l'arrivée des hordes de
touristes. J'ai été un peu gêné dans la prise de photo, dans un
brouillard trainant puis sous un soleil de plomb. Mais le site est
magique. Perché sur une colline, il est très bien conservé et
restitue parfaitement l'ambiance qui pouvait y régner il y a 500
ans.
Un peu d'histoire rapidement.
Elle va être courte parce que le village du Machu Picchu n'a été
habité qu'une toute petite centaine d'années. Sa construction aurait
débuté dans les années 1440. On ne sait toujours pas aujourd'hui
si c'était une résidence secondaire de l'Inca, une sorte de
Versailles de l'empire Inca, en retrait du pouvoir central de Cuzco,
où l'Empereur pouvait se retirer avec une partie de sa cour.
Toujours est-il que les Incas
l'ont déserté vers 1538. Suite à la prise de Cuzco par les
Espagnols, le site a été abandonné, de peur qu'il ne tombe lui
aussi aux mains des Espagnols. L'Inca et une partie de son peuple se
sont alors réfugiés plus loin, au Choquequirao en particulier. 100
ans d'existence seulement, mais les Espagnols n'ont a priori jamais
découvert les deux sites (Machu Picchu et Choquequirao), les Incas
ayant détruit les chemins d'accès derrière eux. Ce n'est que dans
les années 1910 qu'ils ont été redécouverts et les vestiges
dégagés petit à petit de la végétation luxuriante.
Malgré tout l'empire tomba aux
mains des Espagnols dans le courant du XVIe siècle. Ceux-ci
s'empressèrent de piller tout ce qui pouvait l'être. Le royaume
d'Espagne n'aurait jamais été aussi riche qu'à cette époque-là.
Les Conquistadors en ont profité également pour évangéliser la
région. On imagine facilement que les Incas et leurs descendants
aient eu un peu de mal à embrasser cette religion qui d'un côté
prône l'amour et le pardon mais qui tolère de l'autre que ses
adeptes tuent, pillent massivement, mettent à sac villes et
villages, ou encore extorquent les immenses ressources naturelles.
Les civilisations aztèque ou
maya du Mexique actuel ont elles disparu à l'arrivée des Espagnols.
Malgré de nombreux mouvements de résistance, actifs jusqu'à
l'indépendance, les Incas sont eux parvenus à s'accommoder de
l'envahisseur. En particulier au niveau religieux, ils ont
intelligemment réussi à faire correspondre des fêtes et rites
chrétiens avec leurs propres fêtes. Par exemple, ils continuaient à
fêter le soleil, mais au moment de la fête de la Saint-Jean (le 24
juin). Ni vu ni connu ! Un mélange de croyances "païennes"
et chrétiennes toujours présent aujourd'hui.
Voilà donc une semaine
passionnante au cœur de l'empire inca, une semaine à découvrir un
peu plus ce peuple fascinant, vivant dans un environnement andin
particulièrement hostile mais superbe. Et aujourd'hui ne subsistent
que des vestiges, encore nimbés de nombreux mystères, dans lesquels
on déambule pour tenter de s'imaginer la splendeur de cette
civilisation.